piété, les exemples qu’elle avait reçus de Sophie de Thuringe, fille de sainte Élisabeth de Hongrie, dit M. Kervyn de Lettenhove, elle savait encourager les lettres, et il n’était point de princes qui n’eussent recours à ses conseils. »
Elle était en relations suivies avec sa nièce, la reine de France ; avec Jean Ier, duc de Brabant, à la fois prince valeureux et poëte distingué, à qui elle prêta des sommes considérables pour favoriser ses emprises guerrières, lesquelles eurent pour principal résultat la mémorable bataille de Woeringen ; avec Charles d’Anjou, roi de Sicile et de Jérusalem, qui en 1284, fut désigné comme arbitre des débats d’intérêt privé soulevés entre elle et Guy, comte de Flandre ; avec Blanche de Bretagne, femme de Philippe d’Artois ; avec Jean d’Avesnes, comte de Hainaut ; avec Jean de Vassogne, évèque de Tournai et chancelier de France, et enfin, avec une foule d’autres personnages considérables de l’époque ; sa correspondance, conservée en partie aux archives de la Flandre orientale, atteste qu’elle fut mêlée pendant de longues années aux affaires et aux négociations politiques qui eurent lieu dans la seconde moitié du xiiie siècle. Fidèle aux habitudes littéraires de sa famille, Béatrice de Courtrai passe pour avoir, comme son neveu Jean Ier, accordé une généreuse protection aux arts et aux lettres. Son château de Courtrai, rempli des statues des comtes de Flandre, donna plus d’une fois asile aux trouvères les plus vantés tels que Gilbert de Berneville, Gilles de Neuville, Michel d’Auchy, Mahieu de Gand, Josselin de Bruges. On a conservé l’inventaire de ses joyaux, hanaps, aiguières, etc., trouvés après sa mort à l’abbaye de Groeninghe, et ce document témoigne tout à la fois de l’opulence de sa maison et de ses goûts artistiques.
Les dernières années de cette femme, déjà si cruellement éprouvée dans sa jeunesse, furent troublées par de longs démêlés avec Guy, comte de Flandre, au sujet de la possession des biens qui lui avaient été assignés à titre de douaire à l’époque de son mariage avec Guillaume de Dampierre. Le pape lui-même dut intervenir dans ces débats, qui ne furent terminés qu’en 1284, par Charles d’Aujou. C’est sans doute vers cette époque que, tout occupée d’œuvres de piété, elle voulut avant de mourir faire un pèlerinage au tombeau des Apôtres et visiter Rome. Elle y obtint du souverain pontife plusieurs priviléges en faveur de l’abbaye de Groeninghe, transférée, par elle, du village de Marcke aux portes de Courtrai vers 1380 et qu’elle avait entièrement construite à ses frais et dotée largement. Elle quitta alors entièrement le monde, pour se consacrer à des actes de bienfaisance, à des exercices religieux et au développement du célèbre monastère dont elle peut être regardée comme la seconde fondatrice. Aussi ses dépouilles mortelles y furent-elles inhumées et sa mémoire honorée jusqu’à la destruction de cette maison.
Baron Kervyn de Lettenhove, [Béatrice de Courtrai (Bulletin de l’Académie royale de Belgique, t. XXI et XXII). — Id. Histoire de Flandre, t. II, p. 408. — Baron de Saint-Genois, Inventaire des Chartes des comtes de Flandres. (V. Table, au mot : Béatrice de Courtrai.) — Messager des Sciences historiques, 1843, pp. 222-223. — Tableau historique et pittoresque de Courtrai, pp. 76-79.
BÉATRICE (Bienheureuse), de Nazareth ou de Tirlemout, était fille d’un gentilhomme brabançon, nommé Barthélemi (voir ce nom), qui fonda plusieurs monastères au xiiie siècle. Elle entra d’abord dans l’ordre de Cîteaux à l’abbaye de Florival, passa ensuite au couvent de Maegdendael, près de Tirlemont, et fonda enfin, avec son frère, le monastère de Notre-Dame de Nazareth, près de Lierre, dont elle fut la première prieure. Elle y mourut en 1268 et elle est comptée parmi les saintes de l’ordre de Cîteaux. A la fin du siècle dernier, lors de la suppression du couvent de Nazareth, ses reliques furent transférées à Lierre et enfouies dans la chambre du chapitre de Saint-Gommaire. Jean van Groelst, religieux dominicain, nous a laissé une histoire de cette bienheureuse.
Wichmans, Brabant. Mariana, pp. 646-649 et 659 ; Hist. Episcopatus Antverp., pp. 180-183. — Fisen, Flores Eccles. Leod., pp. 353-357.