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mécaniques à dévider des déchets de soie. L’établissement qu’il venait de créer eût peut-être suffi à refaire sa fortune, si le chagrin et un travail incessant n’eussent occasionné un anévrisme qui l’emporta subitement, à Paris, à l’âge de 53 ans. Il fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Résumons enfin cette carrière si bien remplie. Les perfectionnements apportés à la préparation des cuirs ; l’importation, faite au péril de sa vie, de la filature à la mécanique sur le continent ; la création de tant d’établissements de tout genre ; l’impulsion donnée à l’industrie française en général ; l’amélioration morale des détenus, le sacrifice de sa fortune à la généreuse idée qui le dominait ; une vie tout entière consacrée à l’amélioration de la classe ouvrière, tels sont les titres de cet illustre Gantois à la reconnaissance de ses concitoyens.

Liévin Bauwens avait épousé Mary Kenyon, fille du chef d’atelier qui, au péril de ses jours, lui avait vendu à Manchester les premières mécaniques Mull-Jenny et qui fut le compagnon fidèle de ses travaux. Il en eut une fille et deux fils, Napoléon et Félix, industriels établis l’un à Paris, l’autre à Londres. Comme tous les hommes qui se créent une fortune rapide, il était d’une générosité inépuisable, surtout envers les artisans qui, dépourvus de ressources, s’adressaient à lui pour commencer un commerce ou entreprendre une industrie. D’une nature franche et communicative, il se plaisait à donner des conseils aux fabricants qui adoptaient ses procédés mécaniques et, par ses avis, il devint souvent la source de leur prospérité. De tous les points de l’Europe on venait consulter son expérience ; ses ateliers étaient ouverts à tous les visiteurs et il leur communiquait ses perfectionnements avec le plus rare désintéressement. Bauwens aimait les petits et les faibles. Plus d’une fois il se montra leur protecteur et sut toujours joindre les plus généreuses qualités du cœur aux inspirations d’un véritable génie industriel. Son dévouement aux nombreux ouvriers qui travaillaient sous ses ordres, est resté populaire à Gand, ainsi que l’opulence presque princière qui régnait dans sa maison.

Nous ajouterons qu’au milieu de ses occupations, il trouvait encore le temps d’écrire. On lui doit entre autres un opuscule devenu rare, intitulé : Observations de Liévin Bauwens à Gand, fondateur du premier établissement de filature à Mull-Jenny en France… sur une lettre de S. E. le sénateur François de Neufchâteau, par laquelle S. E. s’efforce de prouver à M. Herwyn, membre du corps législatif, les avantages de la culture du lin et le désavantage de l’établissement rapide de la filature à la mécanique du coton, dans la Belgique et à Gand (Gand, de Goesin, 1808, in-8o 22 pp.). Ce mémoire, extrêmement intéressant, retrace l’historique de la filature du coton en France depuis l’année 1783 ; on y trouve consignés tous les détails que nous avons donnés sur les perfectionnements apportés par Bauwens, à la suite de l’introduction des machines dites Mull-Jenny, sur le continent. Il est encore auteur de nombreux mémoires imprimés ou manuscrits traitant diverses questions relatives à ses fabrications. La plus grande partie de ses papiers et de ses notes appartiennent aujourd’hui à son petit-neveu, M. Napoléon De Pauw, de Gand, aujourd’hui substitut du procureur du roi à Courtrai.

Un tardif hommage a été rendu à la mémoire de cet homme distingué, par le gouvernement et par l’administration communale de Gand, qui ont baptisé de son nom : le premier, une des locomotives des chemins de fer de l’État ; la seconde, une nouvelle place publique de cette ville. Le projet conçu en 1849, de lui élever une statue, n’a été repris qu’en 1866 ; un nouveau modèle de cette statue, dû à M. Devigne-Quyo, a été provisoirement placé cà la place Liévin Bauwens, bien que le sculpteur Parmentier en ait déjà exécuté un modèle, qui a figuré à l’exposition des produits industriels des Flandres, ouverte en 1849.

Tout ce qui a été écrit sur Liévin Bauwens a été réuni avec l’opuscule dont il est l’auteur, dans une brochure intitulée :