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après trois mois de séjour, il avait si bien appris la langue de ces sauvages qu’il en put formuler une grammaire avec les dessins des caractères qu’ils employaient. Afin que ce travail pût servir à ses successeurs, il en envoya une copie accompagnée d’un vocabulaire à la bibliothèque des religieux à Mexico. Au moyen de ce formulaire, Beudin commença à expliquer l’Évangile aux Taraumares, tout en les initiant en même temps aux cérémonies du culte. Sa propagande s’exerçait dans tous les rangs de cette population inculte ; il parcourait leurs différentes tribus, s’introduisait familièrement dans leurs habitations, usant de tous les moyens de persuasion, apprenait aux jeunes filles et aux enfants à réciter des chants sacrés, qu’il accompagnait en jouant du violon. Ainsi la musique, dans laquelle il excellait, ne resta pas étrangère à ses succès apostoliques. Tout à coup, par un revirement subit et prétendant avoir à se plaindre de la domination espagnole, ces sauvages renoncèrent à l’instruction de leur pasteur, se retirèrent de l’endroit où il avait planté la croix, firent alliance avec d’autres tribus, se précipitèrent sur les Espagnols établis dans les environs et en massacrèrent un grand nombre. Beudin crut à une révolte momentanée et chercha à préserver de la contagion le petit groupe de Taraumares qui lui étaient restés fidèles. On l’engagea à abandonner la dangereuse station où il s’était retiré, le gouverneur de la ville la plus voisine lui offrit même une escorte pour le ramener ; mais craignant que les brebis qu’il avait gagnées ne vinssent à se disperser, s’il les quittait, le courageux missionnaire voulut, comme un vaillant soldat, rester à son poste. Il paraissait même sans crainte pour sa propre personne, lorsque pendant la nuit du 4 juin 1650, les sauvages se jettent sur la hutte où il se trouvait avec quelques nouveaux convertis, l’entourent et y mettent le feu. Menacé par les flammes, il se précipite au dehors avec ses compagnons. Mais il est aussitôt saisi par ses assassins ; on lui attache une corde autour du cou, on le traîne jusqu’au devant de la croix qu’il a plantée, et on le massacre impitoyablement en le frappant à coups de pieux et en le perçant de flèches.

La fin tragique de Corneille Beudin, ainsi que l’histoire de sa mission, font l’objet d’un écrit fort curieux, intitulé : Relatio triplex de rebus Indicis ; Antverpiæ, J. Meursius, 1664, in-18 ; et en tête de laquelle se trouve son portrait.

Ce missionnaire nous a laissé une lettre datée de Cadix, du 2 mai 1647, publiée dans l’opuscule qui porte pour titre : Philippe Nutius à la cour de Suède. Bruxelles, 1858, in-8o.

Bon de Saint-Genois.

De Backer, Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, VI, 44. — Destombe, Vie des Saints, etc., des diocèses de Cambrai et d’Arras, IV, 328.

BEUGHEM (Charles-Antoine-François de Paule VAN), né à Bruxelles en 1744. Après avoir fait un cours d’humanités dans sa ville natale, il partit pour l’Université de Louvain et y parvint au grade de bachelier dans la faculté de théologie ; mais, comme son penchant le portait à l’enseignement, il ne s’avança pas davantage dans cette carrière. Promu au sacerdoce, en 1770, il accepta d’abord une place de professeur de seconde au collége de Turnhout, d’où il passa après quelque temps, en qualité de principal, à celui de Courtrai. Dès lors il occupa ses loisirs à composer des écrits peu étendus pour inspirer aux jeunes gens, avec le goût de l’étude, des sentiments de piété. Un grand intérêt s’attachait à cette époque à la question de la suppression de la mendicité ; l’abbé Van Beughem prit part à la discussion que souleva cette question grave, par plusieurs brochures qui furent bien accueillies. Il leur dut peut-être de se voir appeler au poste, plus important, de principal du nouveau collége thérésien de Gand, où il s’applaudit de trouver un collaborateur et un ami dans M. J.-B. Lesbroussart. Il ne conserva toutefois ces fonctions que pendant douze ans et les quitta pour la place de secrétaire de l’évêché de Tournai, où il montra, avec un dévouement constant à l’Église, une modération et une sagesse peu communes à cette époque