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hommage rendu à la chevaleresque probité de Quenes de Béthune qui venait de mourir et qui a été, on peut le dire, une des figures les plus vraies et les plus originales du xiie siècle. Il faut donc regretter d’avoir si peu de détails authentiques sur une existence si bien remplie.

J. Stecher.

Paulin Paris, Le Romancéro français. Paris, 1833. — Arthur Dinaux, Les Trouvères Artésiens, Paris, 1843. — Id., Les Trouvères Cambrésiens, Paris. 1837. — Buchon, Chroniques nationales, t. I à IV. — Kervyn de Lettenhove, Hist. de la Flandre, t. II. — André Duchesne, Hist. de la maison de Béthune, 1639, in-fol.

BÉTHUNE (Guillaume DE), chevalier-trouvère, né vers 1152 ; mort le 14 avril 1213, au château de Béthune. Deuxième fils de l’avoué d’Arras Robert V, il est tour à tour désigné par les historiens sous les noms de Guillaume II, Guillaume le Roux ou Guillaume le Dur. Ainsi que son frère aîné il accompagna son père à la croisade de 1177. Les damoiseaux de Béthune se firent remarquer dans la brillante suite de Philippe d’Alsace ; quand ils arrivèrent au mois d’août à Saint-Jean d’Acre, le roi de Jérusalem Baudouin IV envoya des barons et des prélats pour les recevoir avec beaucoup d’honneur. L’historien Guillaume de Tyr raconte que leur père, qui figure plus d’une fois comme premier baron dans les actes du comte de Flandre, voulut tirer parti du succès de ses fils. Il usa donc de l’entremise de Guillaume, comte de Mandeville, qui était alors plus avant que lui dans l’intimité de leur commun seigneur. Si le comte de Flandre voulait négocier le mariage des deux filles de feu Amaury, roi de Jérusalem, avec les deux fils de l’avoué d’Arras, celui-ci s’engageait à céder au comte tout l’opulent patrimoine qu’il avait au pays flamand. L’une de ces deux filles, Sibylle, était depiis quelques mois veuve de Guillaume de Montferrat ; l’autre, appelée Ysabeau, non encore nubile, était à Naplouse, chez la reine Marie, sa mère. Toutes deux, héritières présomptives de leur frère, Baudouin le Lépreux, étaient cousines germaines du comte de Flandre, fils de Sibylle d’Anjou et neveu d’Amaury de Jérusalem. « Ce qui, dit Duchesne (p. 129) rendit le comte d’autant plus enclin à consentir et promouvoir les propositions de l’advoué Robert, que cognoissant la grandeur et noblesse de sa maison, il ne reputoit pas à deshonneur de l’avoir pour allié. »

Mais les envoyés de Baudouin, après avoir consulté leur maître, répondirent au comte que la coutume du pays ne permettait pas à une veuve de se remarier dans le temps de plour (première année du veuvage). Il y aurait toutefois moyen de s’accorder, si le comte daignait nommer « aucun hault homme, à cui elle fust bien mariée » (manuscrit cité par Duchesne). On se défiait du comte parce qu’il venait de refuser au roi Lépreux de le remplacer dans l’administration du royaume. Cette fois il répondit hautainement qu’il n’entendait pas exposer ses protégés à l’humiliation d’un refus qui rejaillirait sur lui ; il ne consentirait à révéler les noms que lorsque tous les barons de Jérusalem auraient juré d’accepter les deux seigneurs qu’il désignerait. Comme on lui déclarait qu’aucun homme loyal ne pouvait conseiller au roi de donner ses sœurs à des inconnus, Philippe d’Alsace arrêta brusquement tous les pourparlers, se hâta d’achever ses dévotions au Saint-Sépulcre et prit la palme pour indiquer la fin de son pèlerinage. Quelques mois plus tard, les Béthune l’accompagnaient dans la traversée vers la Flandre.

Guillaume se consola aisément de n’avoir pas épousé Ysabeau de Jérusalem. Cadet d’une des plus brillantes maisons, il prit part aux tournois et aux puys d’amour. Autant qu’on peut en juger par ses chansons conservées à Paris, à Berne et à Rome, c’était un véritable maître en gai savoir. Les poètes du temps aimaient à le consulter pour la scolastique d’amour.

C’est vers l’an 1195 et quand il était déjà marié et tout occupé de gouvernement et de politique, qu’il fut sommé par Jehan Fremaus, le lauréat de Lille, de juger définitivement ce point de casuistique galante :

Se cil doit estre recueillis,
Qui tot jors sert entièrement.

Faisait-il lui-même la musique des