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mique. Il le comprit, partit pour Louvain, y obtint une bourse, la gratuite des cours et trois cents florins d’appointements comme adjoint du secrétaire-inspecteur de l’Université. Le voilà hors de gêne, accable de besogne officielle, il est vrai, mais enfin libre de reprendre ses travaux de prédilection. Un travail intéressant sur les archontes d’Athènes lui valut la médaille d’or au concours de 1824 ; la même année, il fut nommé professeur au collége de Louvain. De 1830 à 1835, il dirigea le pensionnat annexé à cet établissement. En 1837, le collége ayant été supprimé, Bernard se vit une seconde fois dans une situation tout à fait précaire.

Dans ses rares loisirs, il avait préparé, pour sa thèse de doctorat, une étude sur l’oraison funèbre de Lysias. Obligé de retarder jusqu’en 1833 son examen, qui fut très-brillant, il n’avait pu tirer parti de ce travail : sous le nouveau régime, il n’était plus question de dissertations inaugurales. Bernard eut l’idée de soumettre son œuvre à l’Académie royale de Belgique : sur le rapport de Becker, un subside lui fut accordé pour frais d’impression. Le volume vit le jour, fut apprécié par les hommes compétents, et valut sans doute à notre écrivain les honorables recommandations qui l’accompagnèrent à Bruxelles, où il trouva immédiatement à s’occuper. La Société nationale pour la propagation des bons livres lui confia des traductions d’ouvrages allemands et le chargea d’éditer plusieurs livres classiques. Il mit en français la première partie de l’Histoire d’Alfred le Grand, par le comte de Stolberg, le traité de Muller sur l’Unité de l’Église, et les deux premiers volumes de l’Histoire de l’Église, par Döllinger. Il annota les Chrestomathies de Jacobs ; ses éditions reçurent un très-bon accueil dans les établissements d’instruction moyenne. Bernard déploya, comme on voit, pendant cette période de sa vie, une grande activité littéraire. Aux publications précitées, il faut joindre un Essai sur les anciens Belges (1839), imprimé sous les auspices de l’Académie, et une édition de Salluste.

En 1840, la Société n’ayant plus besoin des services de Bernard, force fut au malheureux philologue de courir de nouveaux hasards. Il avait depuis longtemps commencé le dépouillement des manuscrits grecs de la bibliothèque royale de Bourgogne : le ministre de l’intérieur le chargea, en 1842, de lui adresser des notices historiques et critiques sur les monuments les plus précieux de cette riche collection. Huit notices d’une valeur réelle parurent successivement au Moniteur belge. Bernard obtint, vers la même époque, un modeste emploi au secrétariat de l’Académie.

Dès le 10 mai 1843, ce corps savant se l’était attaché en qualité de correspondant. Des jours meilleurs semblèrent s’annoncer pour lui : en 1845, il fut nommé bibliothécaire de la Chambre des représentants ; la même année, il reçut le titre d’agrégé à la faculté de philosophie de l’Université de Liége. Enfin, le 5 novembre 1846, le gouvernement l’appela à un poste de haute confiance, en le nommant inspecteur de l’enseignement moyen (pour les humanités). Il fit, en outre, partie du jury conférant le grade d’élève universitaire.

Malgré son mérite reconnu, son zèle infatigable et l’estime générale dont il ne cessa de jouir, Bernard eut à lutter, jusqu’au dernier moment de sa vie, contre des obstacles de tout genre. Il sut travailler avec ardeur et persévérance, mais il ne posséda point l’art de se faire valoir ; simple et bon, presque naïf, il connut beaucoup les livres, mais peu les hommes. M. Quetelet a tracé fidèlement son portrait en quelques lignes : « Uniquement occupé de ses études et du soin de sa famille, Bernard vivait éloigné de toute intrigue et en quelque sorte étranger à ce qui se passait autour de lui dans le monde politique. Il était certainement mieux informé de ce qui s’était passé à Athènes et à Rome que de ce qui pouvait bouleverser notre ordre social. Malgré cette indifférence apparente, il était très-sensible aux marques d’affection dont il était l’objet, et il aimait à montrer sa reconnaissance : je cite cette qualité, parce qu’elle est moins commune qu’on ne le pense. Ses qua-