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avaient été acceptés par l’édit perpétuel de don Juan et par les États de Hollande eux-mêmes. Au moment où l’édit perpétuel fut donné, il n’existait donc pas un parti patriote et un parti de don Juan ; ces deux partis n’en formaient qu’un seul : le parti national qui demandait l’expulsion des Espagnols. Dès lors n’est-il pas injuste d’accuser de trahison envers le parti patriote, les hommes qui, comme le baron de Hierges, se rangèrent autour de don Juan ? Celui-ci, en définitive, représentait le roi d’Espagne, au nom duquel la pacification de Gand, de même que l’edit perpétuel, avaient été rédigés. Car, ainsi que le fait judicieusement observer M. Moke, « les États avaient déclaré sincèrement qu’ils voulaient persévérer dans l’ancienne religion sans permettre aucun changement en icelle ; on ne songeait pas à contester la souveraineté du roi ; il ne s’agissait que de maintenir les vieilles libertés politiques de la nation qui n’avait jamais supporté la tutelle étrangère ; enfin les Belges ne demandaient rien qui ne fut légal et conforme aux droits publics du pays ; » sur tous ces points, les États et don Juan étaient parfaitement d’accord.

Le baron de Hierges, en acceptant le commandement de la garde personnelle de don Juan, ne se séparait donc nullement des États généraux ; ce qui le prouve d’ailleurs surabondamment, c’est la lettre du 2 janvier 1577, par laquelle les États généraux annoncèrent eux-mêmes au baron de Hierges sa désignation pour cet emploi ; on y lit, en effet : « Monsieur, comme Son Altèze s’est résolue et accordée avecq nous et qu’elle désire se joindre au plustost pour faire effectuer toutes ses promesses, tant de la retraicte des Espagnols que aultrement, vous ayant voluntairement accepté pour chief de garde, que avons consentiz, vous prions, et requerons bien instamment, que prestement ceste veue, il vous plaise nous venir trouver par la voie de la poste, le plus tost que vous sera possible, comme vous scavez quelle célérité est requise en noz affaires, pour une fois descharger cette povre patrie de tant de maulx et travaulx. A vostre arrivée polrons communiquer par ensemble de ce qui sera expédient pour advancher ceste négotiation. Pour l’importance de laquelle retournons à vous prier très-instamment ne vouloir différer vostre venue en aulcune manière. Et sur cest espoir, nous nous recommandons très-affectueusement à vostre bonne grâce, etc.[1]. »

Il ressort évidemment de cette lettre que les États généraux furent bien loin de voir une trahison de la part du baron de Hierges dans sa nomination aux charges et emplois que don Juan lui destinait. Si plus tard le prince d’Orange, qui avait d’autres projets, parvint, par ses intrigues, à rendre le nouveau gouverneur général suspect et à le faire considérer comme un ennemi de la cause nationale, il n’en est pas moins vrai qu’en obéissant à don Juan, lors de son arrivée dans les Pays-Bas, les généraux belges ne manquèrent à aucun de leurs devoirs envers la patrie. Le reproche de duplicité que l’on a adressé au baron de Hierges n’est donc nullement justifié, selon nous. Don Juan, d’accord avec les États généraux, ne négligea rien pour rallier Guillaume d’Orange ; après d’infructueux efforts, il consentit, pour satisfaire au vœu général, à tenter auprès de ce prince une dernière démarche en envoyant en Hollande, à Gertrudenberg, des députés pour régler de part et d’autre les questions restées jusqu’alors sans solution… Le baron de Hierges fut désigné par don Juan pour assister à ces conférences qui ne pouvaient aboutir à aucun résultat ; car, ainsi que le constate M. Groen van Prinsterer, dont le témoignage a ici une grande autorité, à cette époque don Juan voulait sincèrement la paix, et tous les motifs de discorde avaient disparu, mais l’intervention du prince d’Orange amena seule, en dépit de toutes les probabilités, un soulèvement général. « Rien de comparable, » ajoute le partisan zélé de la maison de Nassau, dont nous citons textuellement les paroles, « rien de com-

  1. Codex diplomaticus neerlandicus.