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dit le prince de Ligne, de m’inculquer son goût pour la guerre et sa haine pour les Français. Le deuxième frère s’appelait, comme son aïeul, Claude-Lamoral, et nous est mieux connu, non par ce que nous lisons dans les mémoires déjà cités, mais par d’autres témoignages. Il était né le 7 août 1685. Il prit part à la guerre de la succession d’Espagne, puis à celle de l’Autriche contre la Turquie ; il se conduisit avec beaucoup de bravoure au siège de Belgrade, conquit successivement les grades de colonel, de général-major, de général d’artillerie et de feld-maréchal, et devint propriétaire d’un régiment d’infanterie wallonne de son nom. Il entra, en 1718, au conseil d’Etat formé pour gouverner les Pays-Bas autrichiens et y resta lorsque les trois conseils collatéraux eurent été rétablis en 1725. Il fut chargé de représenter l’empereur Charles VI, lorsque celui-ci prit possession de la West-Flandre et du Tournaisis, en 1719, et remplit la même mission pour l’impératrice Marie-Thérèse, lorsque celle-ci fut proclamée souveraine du Tournaisis, en 1741, et souveraine d’Ypres et de la West-Flandre, en 1749. Le 23 novembre 1721, il fut créé chevalier de l’ordre de la Toison d’or, qu’il reçut à Waterloo, le 24 mars suivant, et devint conseiller d’Etat intime actuel, le 8 mai 1736. Voilà ses titres. Quant à son caractère : il joignait à une grande élévation d’âme l’amour du grand et du beau ; il dépensa des millions pour embellir Belœil et y donner des fêtes dignes d’un roi. C’est à lui, enfin, que le château dut une reconstruction presque complète et le parc qui l’entoure, son aspect grandiose, ses immenses allées qui en font une résidence digne d’un monarque. C’est de son temps, en 1761, que l’on y plaça le Neptune colossal, accompagné d’une naïade et d’un triton, qui s’y dresse sur le bord du grand étang, vis-à-vis de la façade principale du château, œuvre de Henrion, élève de Pigalle, “ qui s’y est montré digne de son maître ”. Pour juger le prince Claude-Lamoral II, il faut lire la correspondance qu’il échangea avec le roi de Prusse, le célèbre Frédéric II, dans un instant où la monarchie autrichienne traversait une phase très critique. Invité par le roi, qui venait de rompre avec Marie-Thérèse et d’envahir la Silésie, le 31 août 1741, à passer à son service, sous peine de confiscation de la terre de Wachtendonck, située dans la Gueldre prussienne, le prince s’excusa, en alléguant que cette seigneurie appartenait à son fils, dont il n’était que le tuteur. Invité alors à prendre l’engagement de faire entrer au service de la Prusse celui de ses fils qui lui succéderait dans la terre en question, le prince de Ligne adressa au roi cette fière réponse :

“ Le prince de Ligne est sensible, au-delà de toute expression, aux offres gracieuses de Sa Majesté Prussienne. Son zèle pour ses anciens maîtres ne lui permet pas de rien accepter pour son fils unique, âgé de six ans. D’ailleurs, cette terre de Wachtendonck fait partie d’un bien qui lui est substitué. La maison du prince de Ligne est accoutumée à faire de plus grands sacrifices à l’auguste maison d’Autriche, par rapport à la fidélité inviolable que ses ancêtres lui ont vouée depuis près de trois siècles ; elle a été, dans tous les temps, à toute épreuve. Dans celui des troubles ou révolutions des Pays-Bas, elle peut se vanter d’avoir été quasi la seule qui n’a jamais varié, de même que, pendant la guerre de 1667 et celle de 1700, que la France, pour attirer les familles, brûlait et ruinait tout, ses princes sont toujours restés inébranlables. Si donc le bon plaisir de Sa Majesté Prussienne est de s’emparer de la ville et pays de Wachtendonck, le prince de Ligne, en perdant son bien, se flatte de mériter l’estime d’un si grand roi, ce qui lui est plus avantageux et glorieux que l’acquisition de tout domaine, et par la même raison, se rendre digne, aux occasions, de sa royale protection ”.

Gachard, à qui l’on doit la connaissance de ce précieux document, véritable titre d’honneur pour celui qui l’a