homme de ma chancellerie, un secrétaire allemand nommé Seygel, dit (et moi aussi à la vérité) qu’il a lu un vieux cartulaire qui nous descendait d’un roi de Bohème : il dit aussi qu’il a lu sur une tombe, je ne sais où, que nous descendons de Charlemagne par un certain Thierri d’Enfer ; il dit encore que des généalogistes nous donnent la même tige que la maison de Lorraine, et que d’autres prétendaient que nous serions une branche de celle de Bade. Et puis ce qui me ferait croire qu’il y a du Charlemagne et du Vitikind dans notre sang, c’est que nous avons la Toison depuis quatre siècles et que nous sommes princes d’Empire depuis deux ” . Sans m’arréter à ces raisonnements, qu’il serait difficile d’étayer de preuves, je me bornerai à esquisser les faits les plus remarquables (et ils sont nombreux), qui donnent un véritable intérêt à l’histoire de la famille de Ligne.
Les de Ligne figurent depuis le xie siècle dans la noblesse du Hainaut. Ils portent, pour armoiries, d’or à la bande de gueules, et affichent pour devise cette phrase orgueilleuse, mais qu’ils se sont toujours attachés à justifier : Sit semper linea recta. Par une coïncidence presque unique dans la féodalité belge, trente générations se sont transmis de père en fils les titres, les possessions, les honneurs que les souverains se sont plu a accumuler sur les seigneurs de Ligne, en qui ils ont troué des vassaux aussi fidéles que vaillants. Le petit village de Ligne, situé sur la voie romaine de Bavai vers Gand, a été le berceau de cette lignée, qui, depuis le xive siècle, a adopté pour résidence favorite le château de Belœil, entre Mons et Ath.
Les premières générations de la famille sont très mal établies par les généalogistes, qua l’on a copiés sans examen jusqu’à notre époque. Un Fastré de Ligne, cité dans un prétendu diplôme de 1049, n’a jamais existé que dans l’imagination féconde du faussaire Le Carpentier ; mais le chevalier Héribrand de Ligne et son frère VValter vivaient en 1073, le même Heribrand et son fils et son frère Walter en 1084 ; à la même époque, on cite encore un Thierri de Ligne. Les premiers (ou des homonymes) reparaissent en 1128, et un Thierri de Ligne se montre de nouveau, depuis 1128 jusqu’en 1185, au nombre des guerriers qui entouraient le comte de Hainaut, Baudouin, fils d’Yolende, ou Baudouin III, et son fils du même nom. En 1172, Walter de Ligne recevait du roi d’Angleterre, Henri III, un fief consistant en une rente annuelle de dix marcs ; il marcha ensuite, à la suite de son seigneur, contre le duc de Limbourg. De son union avec Mathilde, fille de Gosuin, châtelain de Mons, et de Béatrice de Rumigny, sortirent deux fils, Walter et Fastré, qui combattirent à Bouvines et y furent pris par les Français. Un Walter le Jeune vivait en 1288, et un autre gentilhomme du même nom se distingua du temps du duc de Brabant, Jean Ier, en réconciliant ce prince et Thibaud, comte de Bar, avec les bourgeois de Metz, en 1287. On cite ensuite un Jean de Ligne comme ayant laissé, entre autres, deux fils : Mathieu, mort à la bataille des Eperons d’or, en 1302, en combattant les Flamands, et Fastré, d’abord seigneur d’Ollignies, puis seigneur de Ligne, de Montreuil, de Rumigny, de Maulde-sur-l’Escaut et maréchal du Hainaut ; il mourut à Venise, en 1337, en revenant de la Terre sainte. Il avait épousé successivement Jeanne de Morialmé et Marguerite de Gavre, dont la première lui apporta en mariage la terre de Belœil.
Son fils aîné, Michel, seigneur de Ligne, épousa l’héritière de Briffœil et mourut en 1345, après avoir brillé dans mainte campagne et maint tournoi. Il accompagna en Angleterre Jean de Hainaut lors de l’expédition qui détrôna le roi Edouard II, et de nouveau, lors de la guerre que le roi Edouard III fit aux Ecossais ; il suivit également en Flandre le roi Charles de Valois et assista à la terrible journée de Cassel, si fatale et si glorieuse à la fois pour les Flamands ; il combattit souvent aussi à la suite de Guillaume II, comte de Hainaut, notamment lorsque