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la faveur dont l’agent de la république jouissait près de Henri IV s’accrut encore. Un bruit calomnieux fut répandu et recueilli plus tard par Amelot de la Houssaye. Celui-ci prétendit « que Henri IV avait des relations avec la femme D’Aerssen et que le mari en demeurait content, à cause du grand profit qu’il en tirait. » Wicquefort et Bayle ont eu raison, ce nous semble, de protester contre cette calomnie et d’attribuer aux talents éminents du diplomate hollandais l’accueil toujours bienveillant que lui faisait Henri IV. D’Aerssen s’efforçait, d’ailleurs, d’employer, dans l’intérêt des Provinces-Unies, la grande faveur dont il jouissait. Barnevelt insistait toujours pour que Henri IV rompît avec l’Espagne et lui fit la guerre. D’Aerssen, le 22 février 1602, finit par révéler clairement et nettement, à l’avocat de Hollande, la nouvelle politique du roi de France. N’ayant pu obtenir l’intervention armée de la France, les Provinces-Unies durent abandonner Ostende, après avoir héroïquement défendu cette place importante pendant plus de trois années. Ostende résistait encore lorsque François d’Aerssen se trouvait mêlé à la conjuration du duc de Bouillon. Il a lui-même raconté ce curieux épisode dans un écrit intitulé : Mémoire justificatif ou exposé de sa conduite dans l’affaire du duc de Bouillon, adressé par François d’Aerssen aux états généraux. (Paris, 16 mars 1603.) C’est une des pièces les plus remarquables de la correspondance diplomatique de François d’Aerssen. Telle fut la dextérité D’Aerssen que, selon la remarque d’un de ses biographes, il put avoir des relations intimes avec le duc de Bouillon, alors accusé par Henri IV du crime de lèse-majesté, sans perdre néanmoins la confiance du roi. Pendant les négociations entamées pour conclure une trêve entre les archiducs et les Provinces-Unies, la conduite de François d’Aerssen fut diversement interprétée. Des correspondances qui ont été mises au jour jusqu’à présent, on peut inférer que le fils du greffier des états géneraux, après avoir d’abord secondé les vues de Barnevelt, abandonna celui-ci pour soutenir Maurice de Nassau. Le président Jeannin, de Buzanval et de Russy étaient alors à la Haye en qualité de plénipotentiaires de Henri IV. D’Aerssen, qui s’était rendu en Hollande, ne surveilla point assez ses démarches. Aussi, voulant dissiper les soupçons que sa conduite ambiguë avait éveillés à la cour de France, s’empressa-t-il, lorsqu’il fut de retour à Paris, d’écrire à Jeannin (17 mai 1607) pour se disculper d’avoir rendu de mauvais services au roi. « J’ai, disait-il, fait le contraire, d’où même on a pris occasion de me juger trop Français plutôt que de me soupçonner Espagnol. » On alléguait que l’agent des Provinces-Unies en France était d’autant plus disposé à se rapprocher de l’Espagne « qu’il avait acquis, depuis peu de temps, plus de 25 000 écus de biens près Anvers. » Mais Jeannin croyait que le diplomate hollandais déguisait ses sentiments « pour découvrir le secret d’autre côté et faire tenir les propos qu’il jugeait convenir pour aller à son but. » — « Pour moi, ajoutait Jeannin, mon avis est que le sieur D’Aerssen sert messieurs les estats comme il doit et selon leur désir. » — Bientôt un changement notable se manifeste dans les dispositions de l’agent des Provinces-Unies. Il se détache de Barnevelt, se plaint du roi de France et de ses ministres, particulièrement de Villeroy, se brouille même avec Louise de Coligny, veuve de Guillaume le Taciturne et partisan de Barnevelt et de la trêve. Le 4 septembre 1607, Villeroy recommande à Jeannin de prier l’avocat de Hollande de n’ajouter foi entière à tous les avis qui lui seraient transmis par D’Aerssen. Un mois après, le 8 octobre, le ministre communique à Jeannin des particularités plus intéressantes encore. « Le sieur D’Aerssen m’a dit, lui mande-t-il, que l’on parle par delà de le tirer d’ici et commettre à un autre la charge qu’il y exerce, parce que les Anglais disent qu’il est trop partial pour la France et qu’ils ne s’y peuvent fier. Il ajoute qu’il ne se soucie pas de la charge, mais qu’on lui fera injure, si l’on se sert de ce prétexte pour le révoquer… Il a opinion que le sieur Barnevelt veut y em-