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pure calomnie ou par ignorance, au préjudice de son honneur et fidèle accomplissement de sa charge, comme s’il eût trahi le pays en recevant de Jean Neyen un diamant et une obligation ; qu’il savait, en outre, que cette calomnie était répandue avec tant d’apparence de vérité qu’elle semblait gagner crédit, malgré les services qu’il avait rendus fidèlement pendant vingt-trois années. » Il déclarait en conséquence « qu’il n’avait jamais parlé à Jean Neyen, sinon par ordre spécial et de choses dont il avait été expressément chargé ; qu’ensuite il avait été fait rapport de tout aux états généraux et que ceux-ci étaient devenus dépositaires de l’obligation et du diamant. » Ces présents du marquis Spinola furent restitués à un nouveau représentant de l’archiduc, quelques jours après, avec un éclat qui devait mettre un terme à la calomnie. Lorsque cet ambassadeur eut été introduit dans l’assemblée des états généraux, Barnevelt lui dit en jetant sur le bureau le diamant et la cédule remis naguère au greffier D’Aerssen : « Nous avez-vous crus assez misérables pour vendre notre foi ? Reprenez vos dons ; ils sont inutiles, si vous ne demandez qu’une paix raisonnable, et criminels si vous marchandez notre liberté. » D’Aerssen devait mal reconnaître la conduite loyale que Barnevelt tint à son égard, lorsqu’il était l’objet des soupçons et de la haine du peuple. Dans la lutte qui s’engagea bientôt entre Maurice de Nassau et Barnevelt, D’Aerssen, toujours sous l’influence de son fils, se rangea parmi les adversaires inflexibles et les accusateurs passionnés de l’avocat de Hollande.

En 1621, Corneille d’Aerssen demanda, vu son grand âge, d’être déchargé du laborieux emploi de greffier des états généraux ou d’obtenir un adjoint. Les états lui adjoignirent J. van Goch, qui prêta serment le 13 février 1622. Le 6 octobre de l’année suivante, D’Aerssen se retira, tout en conservant son traitement et même son rang dans les séances des états. Il ne jouit pas longtemps de cette retraite honorable. Il mourut en 1627, quelques semaines après sa femme, Émérence Regniers. En prenant le deuil, les états donnèrent un dernier témoignage d’estime à leur ancien serviteur.

Corneille d’Aerssen marqua, mais au second rang, parmi les Belges qui contribuèrent à la fondation de la république des Provinces-Unies. Il ne se distinguait point par une intelligence supérieure, par des facultés éminentes. Disons plus : toute son importance, il la devait aux fonctions officielles qu’il exerçait et à la grandeur des événements auxquels il se trouva mêlé. Il fut tout à fait éclipsé par son fils, le célèbre François d’Aerssen.

Th. Juste.

Scheltema, Staatkundig Nederland. — Kok, Vaderl. Woordenboeck. — Bor. liv. XIX et XXXVII. — Van Meteren, liv. XXVIII et XXIX. — Bentivoglio, liv. XXIV. — Grotius, liv. XVI. — Négociations du président Jeannin. — Histoire générale des Provinces-Unies, par D. et S., t. VII, liv. XXI.

AERSSEN (François D’), diplomate, né à Bruxelles, en 1572, mort à la Haye, en 1641. Il fit ses études à l’université de Leyde, où il fut proclamé docteur en droit. Corneille d’Aerssen, qui avait connu, dans le Brabant, le célèbre Philippe de Mornay, résolut de confier son fils à cet homme éminent, un des plus doctes et des plus illustres chefs des protestants français. Le 19 mars 1594, Mornay annonçait à l’un de ses amis l’arrivée de François d’Aerssen. « Je l’ai reçu très-volontiers, disait-il. La patrie, le père, la recommandation de plusieurs personnes d’honneur m’y conviaient. » En quittant Mornay, D’Aerssen se rendit en Italie, quoique son grave directeur craignît beaucoup pour lui le séjour de cette contrée « trop savante et trop voluptueuse. » Vers la fin de l’année 1596, D’Aerssen était de retour en Hollande. Buzanval, agent de Henri IV à la Haye, écrivait à Mornay, le 27 août 1597 : Il a profité en Italie au jugement d’un chacun. On a ici l’œil sur lui pour la charge de France. Je le favorise en ce que je puis : c’est un arbre qui a des fruits bien mûrs, mais qui ont encore besoin du soleil. » François d’Aerssen n’avait que vingt-six ans lorsque, au mois d’avril 1598, il accompagna, à Nan-