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ques jours après, un acte, daté du 24 avril, et revêtu des signatures de Jean Neyen, commissaire des archiducs, et de Corneille d’Aerssen, greffier des états généraux, fut échangé à Lillo. Les deux parties consentaient à une suspension d’armes de huit mois, qui devait commencer le 4 mai. Cette déclaration, qui était comme le prélude et la promesse de négociations plus importantes et plus décisives, fut très-bien accueillie dans les Provinces-Unies. Un parti nombreux, ayant à sa tête Barnevelt, se prononçait hautement pour une paix honorable. Barnevelt, appuyé par la bourgeoisie des principales villes, voulait, au moyen d’un accommodement avec l’Espagne, non-seulement affermir la république, mais encore s’opposer à l’ambition de Maurice de Nassau, à qui la guerre assurait une prépondérance dangereuse pour la liberté. Maurice, inquiet et mécontent, s’aidait de la classe populaire pour contrecarrer Barnevelt, espérant d’ailleurs que la guerre le rendrait maître un jour de la république. Placé entre ces deux grands antagonistes, Corneille d’Aerssen montra d’abord un certain embarras. Mais, sous l’influence de son fils, agent des Provinces-Unies à la cour de France, il finit par se ranger du côté de Maurice. Le secrétaire d’État Villeroy, dans une lettre au président Jeannin, ambassadeur de Henri IV à la Haye, indiquait avec franchise le mobile de la conduite équivoque de François d’Aerssen. « Tant y a, disait-il, que c’est un homme qui craint que le prince Maurice ne débusque son père de sa place, s’il vient à bout de son dessein ; et qui sait, si ledit prince en est exclu, qu’il ne pourra que tomber debout avec sondit père ; par ainsi il va flattant ledit prince et adhérant à ses opinions pour avoir deux cordes à son arc, selon le style du temps. » Les vues de Barnevelt ayant fini par prédominer, Corneille d’Aerssen les seconda, mais en se gardant bien de se brouiller avec Maurice. Tout en passant pour « l’entremetteur secret » des archiducs, il ne faisait rien sans l’assentiment du stathouder. Ce fut précisément à cette époque que le double rôle du greffier des états généraux fit naître des incidents qui le compromirent gravement et qui faillirent le perdre. Jean Neyen, après avoir lui-même échangé, à Lillo, la déclaration du 24 avril, insistait pour revenir à la Haye, prétendant qu’il était chargé de donner des éclaircissements importants sur l’interprétation de la suspension d’armes. Vivement sollicité, importuné même, Dirck de Does, commissaire des états généraux à Lillo, le conduisit à la Haye, et, le 8 mai, les états généraux consentirent à le recevoir. Mais, après cette audience, le séjour de la Haye lui fut interdit, et il dut se retirer à Delft. Ce n’était point sans raison que l’on se méfiait de l’habile chef des cordeliers. Dans la soirée du 12 mai, Corneille de Nyck, neveu de Jean Neyen, vint remettre au greffier des états généraux une lettre par laquelle l’agent des archiducs le priait de lui envoyer secrètement sa femme ou l’un de ses fils, s’il ne préférait venir lui-même à Delft. Dès le lendemain, à huit heures du matin, D’Aerssen était chez le prince Maurice et lui communiquait la lettre du moine. Maurice, pour découvrir et déjouer les pratiques secrètes des Espagnols, conseilla au greffier d’accepter le rendez-vous et même de ne point refuser les présents qui pourraient lui être offerts. Tel fut aussi l’avis des seigneurs employés aux négociations de la paix et qui avaient été mandés par le stathouder. Le lundi, 14 mai, le greffier alla de bon matin à Delft. Devant le cloître de Sainte-Agathe, il trouva Corneille de Nyck, qui le conduisit secrètement au logement de Jean Neyen. Celui-ci débuta par des remercîments. Il loua le zèle avec lequel le greffier était intervenu pour faire décider l’ouverture d’un congrès ; conduite d’autant plus honorable qu’elle l’exposait à l’inimitié des uns et à la méfiance des autres. Les archiducs lui savaient gré de ses bons procédés et, pour première preuve d’estime, lui rendaient la maison et les biens patrimoniaux qu’il possédait autrefois à Bruxelles et qui avaient été confisqués lors du rétablissement de la domination espagnole. Le marquis Spinola l’avait chargé d’une autre commis-