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dans l’Asie Mineure, eut mis le siége devant Nicée, que notre héros se signala par la bravoure chevaleresque avec laquelle il aida à disperser la formidable cavalerie que le roi seldjoucide Kilisch-Arslan amenait au secours de sa capitale. La sanglante bataille de Dorylée, qui se livra le 1er juillet de la même année, lui donna une nouvelle occasion d’affermir sa réputation de courage et d’intrépidité.

Après cette journée désastreuse, commença, on le sait, la marche laborieuse et pénible que l’armée eut à faire, pendant la dévorante chaleur de l’été, à travers les plaines arides de la Phrygie pour atteindre Antioche de Pisidie et se diriger de là vers cette Antioche de Syrie dont la prise coûta tant de sang et de travaux. Pendant que le gros des forces des croisés s’acheminait lentement de ce côté, Tancrède, à la tête de cinq cents lances, et Baudouin avec sept cents chevaliers et deux mille fantassins, prirent les devants afin d’éclairer le pays. Le premier fit route par Iconium vers Héraclée, d’où il se rabattit brusquement vers le sud et atteignit la ville de Tarse, si importante par son commerce. Ayant intimidé la faible garnison qui la défendait, il l’amena à se rendre aussitôt que l’armée des croisés elle-même approcherait, et obtint d’arborer provisoirement sa bannière sur les remparts. Sur ces entrefaites, Baudouin, qui s’était égaré avec ses hommes, arriva tout à coup devant Tarse, et, abusant de la supériorité de ses forces, il substitua sa bannière à celle de Tancrède, qui leva aussitôt ses tentes et se dirigea vers Adana. Mais à peine celui-ci se fut-il éloigné, qu’un détachement de trois cents chevaliers appartenant à Bohémond de Tarente se montra en vue de la place. Aussitôt Baudouin, faisant accroire à la garnison que c’était l’avant-garde de la grande armée, la somma de leur ouvrir les portes de la ville. Elle lui livra immédiatement plusieurs tours dans lesquelles il s’installa avec ses troupes. Les hommes de Bohémond s’étant approchés pendant ce temps, il leur interdit l’entrée de la forteresse et poussa même la cruauté jusqu’à leur refuser des vivres. De sorte qu’ils furent forcés de camper sous les remparts. Malheureusement, la garnison musulmane, profitant de l’obscurité de la nuit, pénétra furtivement dans le camp des croisés, les surprit pendant leur sommeil, en égorgea une partie et prit la fuite. Ce désastre causa naturellement une vive exaspération parmi ceux qui avaient échappé au massacre, et peu s’en fallut qu’ils n’en vinssent aux mains avec les gens de Baudouin, qui ne réussit que difficilement à apaiser leur colère.

Le hasard voulut que dans ce même moment une flotte de pirates flamands, hollandais et frisons, commandée par Guinemer de Boulogne et occupée, depuis huit ans, à faire, de la Méditerranée, le théâtre de leurs déprédations, entrât dans le port de Tarse. Ces hommes d’aventures, Baudouin n’eut pas de peine à les décider à le suivre. Ayant ainsi renforcé sa troupe, il se dirigea vers Mamistra, que Tancrède venait de conquérir et plaça ses tentes devant cette ville où la nouvelle s’était répandue de ce qui venait de se passer à Tarse. A l’arrivée des Lotharingiens, les compagnons de Tancrède ne purent retenir leur colère, et ils le décidèrent à tirer vengeance de l’odieuse conduite tenue envers leurs frères d’armes. Ils opérèrent donc une sortie et tuèrent un bon nombre des gens de Baudouin. Mais celui-ci, ayant promptement rallié les siens, refoula les assaillants dans la ville et en fit un grand carnage.

Cette lutte fratricide se termina par une réconciliation à laquelle Baudouin se montra d’autant plus disposé à accéder, qu’il venait d’apprendre que son frère Godefroid avait été dangereusement blessé en chassant un ours dans les escarpements du Taurus. À cette nouvelle, il se hâta de rejoindre l’armée, craignant que le commandement ne lui en échappât si Godefroid venait à succomber à sa blessure. Du reste, cette crainte fut bientôt justifiée par la froideur et le mépris que tous les barons, instruits des événements qui s’étaient passés à Tarse et à Mamistra, s’empressèrent de lui témoigner. Peut-être même