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froid IV, ducs de Lothier, vivait au xie et au xiie siècle. Baudouin descendait, par sa mère, des anciens comtes de Verdun et d’Ardenne, qui se rattachaient à la Belgique actuelle par de si nombreux liens, notamment par le titre de marquis d’Anvers et par celui de comtes d’Eenham. Quel fut le lieu de sa naissance, nous ne le savons par aucun document contemporain. Mais une tradition, recueillie et confirmée par une suite de chroniqueurs dont quelques-uns remontent au xiiie siècle, lui assigne pour berceau, de même qu’à son frère Godefroid de Bouillon, soit Genappe, soit Baisy, localités brabançonnes qui constituaient des alleux appartenant à Ide de Lotharingie et que cette princesse vendit, en 1096, au monastère de Nivelles, au moment où ses fils s’apprêtaient à partir pour l’Orient avec la première armée des croisés.

Plus jeune de quelques années que Godefroid, et fils puîné d’Ide et d’Eustache de Boulogne, Baudouin fut destiné d’abord, comme cadet de famille, à entrer dans les ordres sacrés. Il était déjà pourvu de plusieurs riches bénéfices par les cathédrales de Reims, Liége et Cambrai, lorsqu’on le vit échanger tout à coup la robe des clercs contre la cotte de mailles des chevaliers et prendre pour femme Godehilde, épouse divorcée de Robert de Beaumont et fille de Raoul II, comte de Conches. Un fois entré dans la vie active des hommes de guerre, il ne tarda pas à manifester d’une manière éclatante sa vocation militaire dans plusieurs de ces luttes acharnées dont l’histoire des petites seigneuries féodales est remplie, et la légende nous apprend même comment, ayant été fait prisonnier, dans une de ces rencontres, par Robert, comte de Mortain, il fut délivré de sa captivité par l’intervention miraculeuse de saint Firmat. Aussi, lorsque la première croisade se mit en route vers Constantinople pour se diriger de là vers l’Asie Mineure et la terre sainte, vit-on Baudouin se ranger sous la bannière de son frère Godefroid, avec les autres seigneurs et hommes d’armes lotharingiens.

D’après le portrait que le chroniqueur Guillaume de Tyr a tracé de notre héros, Baudouin se distinguait parmi tous les croisés par la hauteur extraordinaire de sa taille. Sans être beau, il se faisait remarquer par la dignité de sa personne. Il avait la barbe et les cheveux bruns, le teint bistré, la lèvre supérieure un peu proéminente, et le nez recourbé en forme de bec d’aigle. Ses membres étaient robustes ; et, endurci à la fatigue, il était toujours le premier sous les armes au moment du danger. Cependant, même sous le harnais de l’homme de guerre, il avait conservé quelque chose de la prestance du clerc ; et, quand, plus tard, il eut été élevé au trône, la majestueuse gravité avec laquelle il portait la chlamyde royale l’eût fait prendre pour un prélat plutôt que pour un souverain. A la vérité, ces dehors solennels ne servaient qu’à mieux déguiser l’ambition dont le guerrier lotharingien était rempli ; car c’est avec raison que le poëte de la Jérusalem délivrée a pu le caractériser en ces termes :

Ma vede in Baldovin cupido ingeguo
Ch’ all’ umane grandezze intento aspira.

La première fois qu’il apparut sur la scène des événements qui signalèrent l’expédition chrétienne, ce fut lorsque Godefroid négocia avec Kalmany, roi de Hongrie, les conditions du passage de l’armée à travers ce royaume. Baudouin et sa femme, qui l’accompagnait, se trouvèrent au nombre des otages qui furent remis au souverain magyare jusqu’à ce que toutes les lances lotharingiennes eussent franchi le cours de la Save, limite méridionale de ses États. Un peu plus tard, pendant les derniers jours de l’année 1096, lorsque les guerriers chrétiens eurent planté leurs tentes sous les murs de Constantinople et que l’empereur Alexis eut défendu à ses sujets de leur fournir des vivres, ce fut Baudouin qui décida, par ses instances, son frère Godefroid à mettre le pays au pillage et qui prit sur lui de refouler dans la ville les troupes impériales, chargées de réprimer ces déprédations. Mais ce fut surtout au printemps de l’année suivante, quand l’armée, ayant pénétré