Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/420

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette nouvelle exaction, il envoya à deux journaux français une lettre où il flétrissait avec raison la mesure, et qui fut accueillie à Liége avec une satisfaction facile à concevoir.

Bassenge revint quelque temps après ; il n’avait pas été placé, nous ne savons trop pourquoi, dans l’administration d’arrondissement. Le représentant particulier envoyé à Liége, où il arriva en mai, voulut réparer ce qui semble n’avoir pas été un oubli, en instituant dans le sein de la municipalité un tribunal de police d’après les bases adoptées en France, et il y plaça les trois victimes de la tyrannie : Bassenge en qualité de procureur de la commune, Hyacinthe Fabry et Henkart comme substituts. Ce représentant ayant ensuite été rappelé, Bassenge retourna à Paris, pour combattre les menées du parti montagnard, qu’on soupçonnait avec raison d’avoir provoqué la mesure. Quand il revint, au bout de quatre mois, la réunion définitive du pays de Liége à la France était décidée. Réclamée comme le seul moyen d’échapper à l’odieux régime de la conquête, cette réunion allait au moins diminuer les souffrances d’une population aux abois. Le décret du 9 vendémiaire an IV parvint à Liége le 13 et y fut publié le 15. Le 20 fut célébrée la fête de la réunion. Bassenge, qui y avait présidé, fut chargé avec Hauzeur, Soleure et Danthine de retourner à Paris, pour présenter à la Convention une adresse de remercîments, au nom de l’administration d’arrondissement et de la municipalité. Il fut ensuite l’un des cinq administrateurs que l’arrêté du 27 brumaire donna au département de l’Ourthe. Dans sa nouvelle position, Bassenge continua, par la générosité de son cœur, par sa bienveillance inaltérable, à mériter l’affection et la confiance de ses concitoyens, qui le lui témoignèrent en le choisissant, en l’an VI, pour leur représentant au conseil des cinq-cents. Il fit ensuite partie du corps législatif, d’où il fut écarté, en 1802, par un gouvernement ombrageux qu’irritait toute opposition. Lié d’amitié avec Ginguené et Amauri Duval, il avait coopéré à la rédaction de la Décade philosophique : cette honorable amitié devint pour lui un titre de proscription. Et cependant avec beaucoup de républicains modérés, il avait applaudi, favorisé même le coup d’État du 18 brumaire, ne prévoyant sans doute pas le despotisme qui devait en sortir. Après cette exclusion imméritée, Bassenge rentra dans la vie privée et exerça les modestes fonctions de bibliothécaire jusqu’à l’époque de sa mort, survenue le 16 juillet 1811, à l’âge de cinquante-deux ans. Un article de Henkart, et une fable de Rouveroy, dans le Journal de Liége, une phrase assez pâle dans un rapport du secrétaire général de la Société d’Émulation sont à peu près les seuls honneurs rendus à sa mémoire.

Un fait encore pour achever son éloge : cet homme, qui avait occupé une haute position, qui avait été pendant dix ans une puissance parmi ses concitoyens, mourut dans un état voisin de dénûment. Ce ne fut pas, comme on pourrait le croire, le résultat de l’inconduite, car, ainsi que l’a dit un de ses biographes[1], « s’il paya son tribut à l’humaine imperfection, ses faiblesses furent toujours du nombre de celles que l’amitié seule a le droit de reprendre. » Ajoutons que Bassenge était une de ces natures d’élite qui se préoccupent fort peu des intérêts positifs, et que la gêne dont il souffrait parfois était uniquement le résultat du désintéressèment propre aux natures poétiques. Car, en esquissant cette existence si active, si bien remplie, nous devons ajouter que Bassenge fut aussi un poëte qui ne manqua ni de verve ni d’originalité. Nous avons dit plus haut comment Hyacinthe Fabry, aidé du docteur Ansiaux et du professeur Destriveaux, réunit ses titres littéraires avec ceux de Reynier et de Henkart. Dans les deux volumes qui renferment leurs œuvres principales, les trois amis ont chacun leur notice, et celle de Bassenge, qui nous a servi dans ce travail, est de Destriveaux ; on y trouve plusieurs anecdotes qui confirment ce que nous avons dit des qualités de l’homme à qui cet article est consacré. La Société d’Émulation, dont il était membre hono-

  1. Destriveaux, Loisirs de trois amis, vol. II.