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Barthélemy, à la tête d’une députation, alla rendre compte des motifs de ce refus. Après une discussion violente de plus de deux heures, les représentants du peuple furieux s’écrièrent : « Savez-vous qu’il y va de votre tête ! » — « Il en jaillira du sang et non de l’or ! » répondit froidement Barthélemy. Cette superbe réponse frappa les représentants et la contribution ne fut pas exigée.

Après les événements de 1795, Barthélemy fut exclu par le gouvernement du conseil municipal : il n’y rentra que le 10 novembre 1807, par décret impérial. Cependant, dans cet intervalle, il ne cessa de s’occuper des affaires et surtout des finances de la ville. Aussi, à peine rentré en fonctions, il fut chargé du travail très-délicat et très-difficile de la liquidation des dettes de Bruxelles. La manière distinguée dont il s’acquitta de cette mission lui valut un témoignage de reconnaissance de la part de la ville. Les services importants qu’il rendit à Bruxelles sont relatés dans la notice biographique que lui a consacrée son petit-fils, M. Jules Gendebien, avocat à la cour d’appel de Bruxelles. C’est à cette notice que nous empruntons tous les éléments de la nôtre. En 1822, Barthélemy fut nommé receveur des hospices de Bruxelles, et une dispense lui fut octroyée par le roi Guillaume, pour pouvoir rester, malgré ces fonctions, membre de la régence. Cette dispense avait été sollicitée par le conseil de régence lui-même.

En 1815, Barthélémy fut un des fondateurs du premier journal belge libre, L’Observateur, auquel il donna de nombreux articles.

Au milieu de ces travaux administratifs, Barthélemy continuait à exercer avec honneur sa profession d’avocat : il fut, en 1820, l’un des signataires d’une consultation donnée en faveur d’un publiciste belge, le sieur Vanderstraeten, poursuivi pour avoir écrit une brochure sur la marche générale des affaires et du gouvernement des Pays-Bas. Les sept avocats qui signèrent cette consultation furent eux-mêmes l’objet de poursuites et subirent un emprisonnement préventif de quelques semaines[1].

En 1821, Barthélemy, qui, depuis plusieurs années, était membre du conseil provincial du Brabant, fut élu membre de la seconde chambre des états généraux. Ses connaissances variées, son mérite supérieur lui firent tout d’abord acquérir une grande influence dans cette assemblée : il fut à plusieurs reprises nommé rapporteur du budget.

Quand vint la révolution de 1830, Barthélemy eut sa place marquée dans cette assemblée à jamais mémorable qui dota la Belgique de la Constitution si sage et si libérale qui a fait notre prospérité et notre bonheur depuis cette époque. Envoyé au Congrès par la ville de Bruxelles, Barthélemy fit partie de la députation qui alla offrir au duc de Nemours la couronne de Belgique. Peu après, il fit, comme ministre de la justice, partie du second ministère du régent. C’est pendant qu’il remplissait ces fonctions qu’eut lieu l’avénement du roi Léopold Ier, le 21 juillet 1831. Barthélemy a donc été le premier ministre de la justice sous notre régime constitutionnel.

Il mourut au château de Franc-Waret, entouré des soins d’une noble famille dont le chef (le marquis de Croix), proscrit émigré, condamné à mort aux jours néfastes de la révolution française, avait trouvé un asile sur et dévoué dans la demeure de Barthélemy.

« Il avait, dit son biographe, une intelligence sûre, une prodigieuse facilité qui se jouait des travaux les plus ardus, une singulière aptitude pour les questions financières, une élocution facile et élégante et le talent d’écrire. À ces qualités, que les diverses circonstances au milieu desquelles il s’est trouvé et les postes importants qu’il a remplis lui ont permis de développer dans tout leur éclat, il joignait une aménité de formes et de caractère, une bonhomie spirituelle dont le souvenir n’est pas encore entièrement éteint, et une fermeté d’esprit, une intrépidité de cœur dont, à diverses époques de sa carrière, il a su donner des preuves éclatantes. »

  1. Cet épisode du règne de Guillaume Ier a été retracé d’une manière complète dans la Belgique judiciaire, t. XIII, p. 1425.