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Devenus maîtres du fort Guillaume, les Français y dressèrent des batteries d’où ils ne cessèrent de canonner et de bombarder le château. Le 28 juin, ils s’emparèrent des chemins couverts et de la contrescarpe ; l’ouvrage à cornes tomba en leur pouvoir dans la nuit du 29 au 30. La reddition de la place ne pouvait plus dès lors être longtemps retardée. Le prince de Barbançon envoya, le 30, des parlementaires aux avant-postes ennemis, pour offrir de l’évacuer à des conditions raisonnables. La capitulation fut signée le même jour. Le prince sortit, le 1er juillet, par la brèche, à la tête de la garnison, qui défila, tambour battant, mèche allumée, devant le’prince de Condé et le maréchal d’Humières, entre deux haies formées des régiments des gardes françaises et suisses et du régiments d’infanterie du roi[1] ; elle était réduite à quatre cents Espagnols, trois cents Wallons, six cents Brandebourgeois et six cents Hollandais : la désertion, plus encore que les balles et les boulets français, avait éclairci les rangs des troupes de ces deux dernières nations[2]. Aux termes de la capitulation, les Espagnols emmenaient quatre pièces de canon et deux mortiers aux armes d’Espagne, et les Hollandais deux pièces de canon aux armes des états généraux[3]. Si l’on en croit Saint-Simon, le prince de Barbançon fit un assez mauvais compliment au prince de Condé, et se montra désespéré de la perte de son gouvernement, dont il tirait cent mille livres de rente[4]. Nous laissons à l’illustre écrivain la responsabilité des mauvais compliments et du désespoir du prince, tout en n’y croyant guère[5] ; mais, quant aux cent mille livres que le gouvernement de Namur lui aurait rapportées, nous pouvons certifier qu’elles ont été, comme beaucoup d’autres choses, imaginées par l’auteur des Mémoires. Les comptes conservés aux Archives du royaume font foi que le prince de Barbançon ne recevait du trésor aucun traitement en qualité de gouverneur, et qu’il devait se contenter de sa solde de général. Ce qu’il recevait de la province et de la ville ne pouvait s’élever qu’à quelques milliers de florins.

La perte d’une place aussi importante que Namur répandit la consternation dans tous les Pays-Bas. L’opinion publique en fit un grief à Guillaume III, qu’elle accusa de n’avoir pas essayé de faire lever le siége en livrant bataille au maréchal de Luxembourg ; le mécontentement du peuple était tel que, en plusieurs villes, les Hollandais se virent exposés à des insultes[6]. Le prince de Barbançon encourut lui-même quelque blàme : on trouva généralement que la défense du château n’avait pas répondu à ce qu’on en pouvait attendre[7]. A la suite d’une enquête ordonnée par l’électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière[8] sur la conduite des généraux et des officiers qui avaient commandé dans

  1. Mémoires de Saint-Simon, t. I, p. 7, éd. in-12.
  2. Lettre de l’électeur de Bavière, du 17 juillet 1692, ci-dessus citée.
  3. Mercure historique et politique, t. XIII, pp. 110-116. — Gazette de France, année 1692, pp. 320-324.
  4. Mémoires, l. c.
  5. La Gazette de France, qui donne les plus minutieux détails du siége et de la prise de Namur, contient seulement ces mots : « Le prince de Barbançon salua le prince de Condé avec l’épée… » (Numéro du 12 juillet 1692, p. 379.)
  6. Gazette de France, année 1692, pp. 378 et 388.
  7. L’électeur de Bavière, dans sa lettre du 17 juillet 1692, dit à Charles II : « Selon le rapport des officiers qui se trouvèrent au siége, il me parait que la défense ne fut pas aussi vigoureuse qu’on nous l’avait promis, car j’apprends que la plupart des ouvrages ont été abandonnés sans motif raisonnable. » (Segun la relacion que hazen los oficiales que se hallaron en el sitio, me pareze que la defensa no fué tan vigorosa como se nos havia prometido, pues tengo entendido que la mayor parte de las obras han sido abandonadas sin razonado motivo.)
         Les bulletins français confirment ce qu’écrivait au roi l’électeur de Bavière, en rapportant que l’armée assiégeante éprouva peu de résistance dans l’attaque des fortifications du château.
         Le Mercure historique et politique, publié à la Haye, avec privilége des états de Hollande, s’exprime ainsi : « Le château de Namur s’est rendu dans le temps qu’on croyait qu’il se défendait avec le plus de vigueur et qu’on s’attendait le moins à entendre dire qu’il pensait a capituler. En effet, il y avoit apparence qu’il devoit résister plus qu’il ne fit, puisqu’il est certain qu’il y avoit encore deux murailles à défendre et plusieurs travaux à emporter avant que les Français eussent pu s’en rendre maîtres par assaut. » (T. XIII, p. 106.)
  8. Maximilien-Emmanuel exerçait le gouvernement général des Pays-Bas depuis le 26 mars 1692 (Biogr. nat., p. 133).