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Indépendamment de ces ouvrages, Badius composa une foule de préfaces et d’épîtres dédicatoires, placées en tête de ses différentes publications, et dans lesquelles on trouve sur sa manière de vivre, sur sa famille, sur ses relations littéraires, sur l’exercice de son art des détails, pleins d’intérêt, qui dépeignent à la fois l’homme et le siècle de rénovation sociale où il vivait.

Le premier livre qu’il imprima à Paris porte la date de 1500, c’est le Philobiblion seu de amore librorum et institutione de Richard de Bury. Depuis cette époque jusqu’à sa mort, on peut dire sans exagération qu’il fit gémir les presses sous le poids de ses productions, aussi est-il considéré comme l’imprimeur qui a le plus produit dans la première moitié du xvie siècle. « Ses impressions, dit M. E. Hoyois, qui a consacré une longue notice à Badius, « toutes imprimées avec un certain luxe, sont recherchées à cause de leur exactitude. » En effet, son ambition était surtout d’imprimer sans fautes et de respecter religieusement les textes originaux des classiques. Il cherchait à égaler, sinon à surpasser, sous ce rapport, son illustre émule, Alde Manuce, établi à Venise vers 1495, et qui s’occupait plus spécialement d’éditer les auteurs grecs, tandis que Badius se consacrait à l’impression des écrivains latins.

Nous citerons à ce propos un fait curieux. En 1526, il fit paraître à Paris une traduction d’un traité de saint Jean-Chrysostôme sous le titre confus de : Divi Johannis Chrysostomi quam multe quidem dignitatis sed difficile sit episcopum agere dialogus in sex libros partitus, Germano Brixio Altessiodorensi, canonico parisiensi, interprete. Ce petit volume fourmillait de fautes typographiques ; Badius s’empressa de s’en excuser dans sa préface, et fit connaître qu’en commençant l’impression de ce traité, son fils aîné, doctus adolescens, qu’il avait préposé à la correction de ce traité, était devenu malade et avait succombé en peu de jours, laissant les ateliers de l’imprimerie et son père dans la plus profonde désolation, ce qui avait empêché ce dernier de s’occuper de la révision des épreuves.

Toutes les éditions de Badius portent au frontispice et quelquefois à la fin sa marque gravée sur bois, représentant l’intérieur d’une imprimerie en activité ; sur la presse on lit ces mots : Prælum Ascensanum.

Il avait en outre adopté pour devise ce vers :

Aere meret Badius laudem auctorum arte legentum.

La contre-façon ne tarda pas à spéculer sur la renommée du Prælum Ascensanum, et le célèbre typographe fut obligé de prémunir ses lecteurs contre l’abus que l’on faisait de son nom et de sa marque ; il prit donc le parti d’insérer un avis à ce sujet dans quelques-unes de ses publications. Cette réclamation, si bien justifiée, donna peut-être naissance à l’octroi de priviléges, accordés peu de temps après aux imprimeurs, pour assurer d’une manière légale la propriété de leur industrie.

Arrivé à l’apogée de sa réputation, Badius ambitionna l’honneur d’obtenir le titre, fort recherché alors, d’imprimeur de l’Université. Il en fut revêtu dès l’an 1507. Aussi le reproduisit-il depuis sur la plupart de ses livres. C’est en cette qualité que l’Université le chargea de publier, en 1521, la Censure des hérésies de Luther. Comme imprimeur-libraire-juré, il devait imprimer cette célèbre condamnation avec fidélité. Il était en même temps interdit à ses confrères de la réimprimer ou de la vendre.

Les deux derniers ouvrages édités par notre compatriote sont : Alphonsus a Castro contrà hæreseos in-fol., 1534, et In epistolas Pauli, par Pierre Lombard.

Nous ajouterons que Badius publia aussi plusieurs livres pour le compte de Jean Petit, un des principaux libraires de Paris.

Comme homme privé, il jouissait pareillement d’une grande considération. Ses nombreuses dédicaces en font foi. Sa maison était le rendez-vous habituel des lettrés de l’époque ; on le recherchait à cause de son savoir et de son expérience. Sa femme et ses enfants, instruits comme lui, agrandissaient ce centre littéraire, qui ne fut pas sans influence sur la re-