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acte d’appel. Honorius III, qui venait de monter sur le trône pontifical, confirma l’excommunication qu’avait prononcée son prédécesseur. Les malheurs de Bouchard atteignirent leur apogée. Les hommes d’armes de la comtesse Jeanne dévastèrent ses domaines, et il fut lui-même arrêté au château d’Étreungt et conduit prisonnier à Gand. Sa captivité fut longue ; elle ne cessa que lorsque ses partisans, ayant réussi à s’emparer de Robert de Courtenay, héritier de l’empire de Constantinople, négocièrent un échange qui eut lieu. Bouchard d’Avesnes se retira aux bords de la Meuse, au château d’Houffalise ; Marguerite l’y suivit, et elle y eut deux fils, qui reçurent les noms de Jean et de Baudouin. Le ressentiment des conseillers de Jeanne n’en devint que plus violent ; ils craignaient que l’héritage du comté de Flandre ne passât à ces enfants, nés dans l’exil. Le roi de France, dit un chroniqueur contemporain, était bien résolu à rompre par la force l’union de Bouchard et de Marguerite. En 1219, une troisième sentence pontificale excommunia non-seulement le sire d’Avesnes, mais aussi tous ceux qui lui avaient offert un asile. Bouchard, se séparant de Marguerite, résolut d’aller lui-même se justifier à Rome. Il est fort douteux qu’il y ait réussi, car, selon quelques historiens, le pape lui imposa un pèlerinage en terre-sainte, où le roi Jean de Brienne lui fit grand accueil.

Bouchard ne tarda pas toutefois à revenir dans le Hainaut. Il fut l’un de ceux qui n’hésitèrent point à reconnaître dans le solitaire du bois de Glançon l’empereur Baudouin de Constantinople, croyant qu’il suffisait d’un grand nom et d’un glorieux souvenir pour ranimer de toutes parts le sentiment patriotique de la résistance à l’oppression. On sait quel fut le triste dénoûment de l’aventure du faux Baudouin. Louis VIII, ne se montra pas, à l’égard du sire d’Avesnes moins implacable que Philippe-Auguste, et cette fois toutes les mesures furent prises pour que Marguerite et Bouchard ne pussent plus se réunir. La malheureuse princesse fut conduite à Paris, et on l’obligea à accepter un nouvel époux, Guillaume de Dampierre. Ce fut aussi à un frère de Guillaume de Dampierre que furent remis les enfants de Marguerite et de Bouchard, qui, pendant dix années, furent retenus dans un château de l’Auvergne. Là remontent les discordes funestes qui remplirent une longue période de notre histoire. Une lutte acharnée devait se perpétuer entre les enfants issus de ces deux unions ; et tandis que le Hainaut serait gouverné par les descendants du sire d’Avesnes, la Flandre, soumise aux Dampierre, allait se voir réduite à se courber sous une dynastie étrangère au moment des luttes les plus héroïques pour sa liberté. La date exacte de la mort de Bouchard d’Avesnes n’est pas connue, mais on croit qu’il survécut à Guillaume de Dampierre. Quoi qu’il en soit, Marguerite ne chercha point à le revoir, et loin de conserver quelque chose de l’affection si vive qu’elle lui avait montrée jadis, elle ne témoigna désormais aux fils nés de son premier mariage que la haine d’une marâtre. Marguerite, à qui sa conduite dans ces tristes circonstances fit peut-être donner le surnom de Noire dame qu’elle reçut dans le Hainaut, multiplia ses efforts pour répandre une honte profonde sur la naissance de ses propres enfants. D’autre part, les fils de Bouchard s’adressèrent au roi des Romains et à saint Louis, roi de France, afin de provoquer une nouvelle enquête, et elle fut autorisée par une bulle d’Innocent IV, où il était dit que toutes les recherches précédentes étaient demeurées sans résultats. Les fils de Bouchard, sans contester que leur père eût été sous-diacre et qu’il eût lu l’épître à l’église, s’attachèrent surtout à établir qu’avant le concile de Latran, le mariage n’était point interdit aux sous-diacres ; ils démontrèrent que la cérémonie nuptiale n’avait pas été clandestine, comme on le prétendait, et que Marguerite avait agi librement et de bonne foi. Enfin, le 24 novembre 1249, l’abbé de Châlons, investi des pouvoirs pontificaux, déclara qu’il y avait preuve suffisante des faits allégués par Jean et Baudouin d’Avesnes et proclama la légitimité de leur naissance. J’ai inséré dans les pièces justificatives de mon Histoire de Flandre,