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avait valu, à Rome, un véritable renom. Le cardinal J.-F. Barbarigo, évêque de Vérone, de l’illustre race des doges de Venise Marc et Augustin Barbarigo, était devenu son Mécène et avait confié à sa plume, à son crayon et à son burin le texte poétique et les allégories de son Épitalame généalogique, ouvrage consacré à la glorification de ses ancêtres. Van Audenaerde y travaillait depuis vingt-deux ans, lorsque, voulant revoir son pays, après une absence de trente-huit années, il sollicita un congé temporaire et partit pour la Flandre, en 1723. Il arriva à Gand et y fut accueilli avec empressement par les artistes et par ses concitoyens. Des tableaux lui furent demandés, et, pour les exécuter, il dut, en vertu de la Concession Caroline de 1540, s’y affilier à la corporation des peintres et sculpteurs. Les comptes de ce métier constatent qu’il y paya son entrée et sa cotisation en 1725. Il était encore dans sa ville natale, et se disposait à retourner en Italie, quand il reçut la nouvelle de la mort du cardinal Barbarigo. Cet événement changea les destinées probables de l’artiste. Désespéré de la perte de son protecteur, Robert Van Audenaerde accéda aux instances qui lui furent faites, et se fixa à Gand. Il renonça aux succès qui l’attendaient à Rome, où il avait acquis un rang distingué parmi les artistes et parmi les hommes littéraires. Familiarisé dès sa jeunesse avec les beautés de la latinité, ses poésies lui méritèrent, dit Descamps, le titre de premier poëte latin de son époque. Aussi, ce fut sa réputation de linguiste et de poëte, tout autant que son habileté de peintre-graveur, qui avait attiré sur lui l’attention du cardinal Barbarigo, et peut-être inspiré à Son Éminence l’idée du recueil patronymique qu’il lui fit exécuter. Ce haut dignitaire ecclésiastique l’affectionnait en outre pour son caractère franc, ses bonnes mœurs, sa vie régulière. Aussi résolut-il de lui ouvrir un brillant avenir religieux : au dire de Descamps, les ordres mineurs lui furent conférés peu avant son départ pour la Flandre.

Depuis son retour d’Italie jusqu’à son décès, Robert van Audenaerde ne quitta plus la ville de Gand. Il continua jusqu’à la fin de sa longue carrière, de sa vie d’octogénaire, à cultiver la peinture et la gravure ; il termina plusieurs de ses estampes et les dernières planches du Médaillier Barbarigo, et peignit, pour des églises, des couvents ou des corporations, de vastes compositions. Mais il n’y trouva ni la fortune, ni même l’aisance qu’il aurait sans doute obtenues à Rome : la comptabilité de la corporation gantoise nous révèle, à l’année 1739, la pénible particularité que le vieil artiste, il avait alors 76 ans, refusa de payer sa cotisation professionnelle, parce qu’il n’avait pas eu de besogne picturale durant l’année écoulée. On estime comme les meilleures toiles qu’il ait peintes à Gand (on ne connaît guère les œuvres qu’il laissa en Italie) : l’Apparition de saint Pierre aux Chartreux, exécutée pour leur oratoire ; l’Abbé Duermael et ses religieux en chapitre, peinte pour le monastère de Baudeloo ; l’Assomption de la Vierge, commandée pour la chapelle des francs bouchers et poissonniers, en 1725, par de riches confrères de la gilde de Notre-Dame. Les deux derniers tableaux, immenses pages à nombreux personnages, tous portraits fort bien rendus, sont au musée de Gand. L’abbaye de Baudeloo, dont le prélat était un ami des artistes et notamment de Van Audenaerde, eut de lui deux autres productions : Jésus-Christ guérissant les paralytiques et l’Entrée de Jésus-Christ à Jérusalem. — A l’église de Saint-Nicolas, à Gand, il y a une Assomption de la Vierge ; à l’église de Saint-Jacques, le Martyre de sainte Catherine, et à l’église du Petit-Béguinage, Jésus-Christ au milieu des docteurs ; ce sont des productions de moindre importance et inférieurs en mérite. — Le dessin, le style et la palette de Robert van Audenaerde prouvent l’étude des écoles italiennes et l’imitation de Carle Maratti. Les physionomies de ses personnages sont pleines de vie et d’expression caractéristique ; les têtes de femmes, types italianisés, en ont la gracieuse suavité. Le modelé de ses figures est correct, sa touche, quoique un peu sèche et dénotant, en quelque sorte, le peintre-graveur, est