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agitèrent l’évêché de Liége. L’évêque Jean d’Arkel n’ayant pas craint de casser le tribunal des XXII, qui lui avait fait son procès et l’avait condamné, cette mesure souleva le pays. Le premier mouvement éclata à Thuin. L’assassinat de Jean Hartis fut le signal de la révolte générale, et l’attitude du peuple devint tout à coup si menaçante que Jean d’Arkel fut obligé de se réfugier à Maestricht. C’est alors que le duc Albert intervint comme médiateur entre l’évêque et les Liégeois, qui venaient de nommer Gaultier de Rochefort régent du pays. Le duc conseilla à l’évêque de rétablir le tribunal des XXII, en limitant sa juridiction et ses pouvoirs, mais l’évêque ne se rendit pas à ce conseil, et, en se soumettant aux exigences du chapitre de Saint-Lambert, il fit la faute de créer un pouvoir au-dessus du sien.

La guerre entre les Liégeois et leur évêque paraissait à peine éteinte que le duc Albert eut, à son tour, des démêlés avec l’évêque de Cambrai, Robert de Genève, qui devint pape sous le nom de Clément VII. Le duc, ayant voulu s’emparer de quelques biens appartenant à des églises, en avait demandé l’autorisation au prélat. Celui-ci ayant refusé, le duc le fît arrêter et jeter en prison. Cet abus de la force n’ébranla pas la fermeté de l’évêque : il lança contre le régent les foudres de l’Église et le duc témoigna de son repentir et de sa soumission. Plus tard, dans le conflit entre les papes Urbain VI et Clément VII, Albert demeura neutre avec tout le diocèse de Cambrai (1378).

Dans la lutte entre Louis de Male et les Gantois, Albert voulut réconcilier ce prince avec ses sujets, mais ses efforts échouèrent devant l’opiniâtreté du comte. Toutes ses sympathies restaient néanmoins acquises au comte et à la noblesse de Flandre ; aussi porta-t-il les édits les plus sévères pour empêcher les Hennuyers de faire passer des vivres aux Gantois, tandis qu’il permettait aux seigneurs du Hainaut de porter secours au comte de Flandre.

Le duc Albert ayant résolu d’envoyer une armée en Prusse au secours des chevaliers teutoniques, les principaux seigneurs répondirent à son appel, et il mit à la tête de l’expédition son fils, Guillaume d’Ostrevant. Un grand nombre de partisans ayant fait défaut au moment de partir, l’expédition fut ajournée à 1385.

En avril 1382, le régent renouvela vainement ses tentatives pour ramener la paix entre Louis de Male et les Gantois.

Guillaume l’Insensé étant mort au château du Quesnoy, en 1389, Albert de Bavière fut reconnu souverain de Hainaut et de Hollande.

Le 3 avril il fit sa joyeuse entrée à Mons. Quelque temps après, ayant perdu sa femme, Marguerite de Briey, il épousa en secondes noces Marguerite de Clèves. Ce prince déshonora sa vieillesse en se laissant aller à une honteuse passion pour Adelaïde de Poelgheest. Les Hameçons, jaloux des faveurs accordées par le souverain aux parents et amis de cette femme, qui appartenait au parti des Cabeliaux, et, enhardi par l’exemple de Guillaume d’Ostrevant, qui ne cachait pas combien ce scandale froissait sa fierté, s’introduisirent dans le palais de la Haye, le 21 septembre 1390, et tuèrent Adélaïde de Poelgheest à coups d’épée. Le duc, furieux, cita les coupables à son tribunal et, sur leur refus de comparaître, les condamna à mort. Guillaume, qui n’avait pas craint de les recevoir à sa cour, crut pouvoir calmer la colère de son père et partit pour la Haye, mais à peine avait-il mis le pied en Hollande qu’il fut poursuivi par les troupes du duc et obligé de chercher un refuge à la cour de France.

L’expédition du comte d’Ostrevant contre les Frisons put seule faire oublier au duc les rancunes que n’avaient pu éteindre les efforts réunis de la noblesse de Hainaut, de Hollande et de Zelande, joints à ceux de l’évêque de Liége, Jean de Bavière.

Le siége de Gorcum (1403) fut le dernier épisode du règne d’Albert. Il mourut à la Haye en 1404, après un règne de quarante-six ans, pendant lequel il donna de faibles preuves de sa sollicitude pour les provinces qu’il avait à gouverner. On peut cependant citer de lui plusieurs édits de 1379, en faveur des moulins de la ville de Mons et de la navigation et