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ce[1] » ; il faut en faire honneur aussi à son esprit de justice : lorsqu’il fut entré dans Groningue, la duchesse de Parme lui ordonna de désarmer les habitants dont on avait eu à se plaindre durant les troubles, en laissant les armes aux mains de ceux qui s’étaient bien conduits ; il répondit à la gouvernante que désarmer les uns sans désarmer les autres serait causer des dissensions et des haines entre les bourgeois ; que, par ce motif, il ne croyait pas devoir le faire, comme il n’avait pas fait de différence entre les bons et les mauvais dans la répartition des logements militaires[2].

Il partit pour Bruxelles au mois de juin. Le roi avait ordonné qu’il remplît sa charge de maréchal de l’ost dans l’armée que le duc d’Albe menait aux Pays-Bas ; il alla au-devant du duc jusqu’à Arlon (8 août 1567), et l’accompagna à Namur, à Louvain, à Bruxelles. Il était présent, le 9 septembre, au conseil à l’issue duquel les comtes d’Egmont et de Hornes furent arrêtés ; il se joignit à Mansfeldt et à Berlaymont, pour réclamer contre cette arrestation qui portait atteinte aux immunités des chevaliers de la Toison d’or. Le mois suivant, Charles IX, que le prince de Condé avait failli surprendre à Meaux, ayant demandé du secours au duc d’Albe et à la duchesse de Parme, ils résolurent de lui envoyer le comte d’Arenberg avec quinze cents chevaux. Le comte, que le marquis de Villars vint rencontrer entre Cambrai et Beauvais, pour le conduire vers le roi de France, arriva à Paris à la fin de novembre. Dans l’intervalle, les huguenots avaient été battus près de Saint-Denis ; la cour n’avait plus besoin du corps auxiliaire qui lui était venu de Bruxelles. Charles IX, en le renvoyant, témoigna à ceux qui le commandaient, et au comte d’Arenberg en particulier, sa satisfaction et sa bienveillance.

Des événements graves devaient bientôt rendre la présence de Jean de Ligne nécessaire dans ses gouvernements. Le 24 avril 1568, le comte Louis de Nassau, frère du prince d’Orange, envahit le pays de Groningue, à la tête d’un corps d’environ sept mille hommes d’infanterie et de quelques centaines de chevaux, formé, pour la plus grande partie, de fugitifs des Pays-Bas qui s’étaient réfugiés à Emden et dans les environs ; le château de Wedde, appartenant au comte d’Arenberg, sur la frontière de ce pays, fut le premier lieu dont il prit possession ; de là il se porta sur le Dam. À cette nouvelle inattendue, le duc d’Albe ordonna à d’Arenberg, qui se trouvait à Bruxelles, de se rendre incontinent en Frise ; il fit diriger vers ce pays le régiment espagnol de don Gonzalo de Bracamonte ; il manda au comte de Meghem de seconder les opérations que d’Arenberg allait entreprendre contre les ennemis. Arrivé à Vollenhoven, d’Arenberg y eut une attaque de goutte qui l’obligea de se mettre au lit : il ne renonça point, pour cela, à commander en personne l’expédition qu’on lui avait confiée ; il se fit transporter en bateau à Leeuwaerden, et de Leeuwaerden à Groningue sur une civière. C’était cette dernière ville qu’il avait assignée pour rendez-vous à ses troupes, composées, outre le régiment espagnol de don Gonzalo de Bracamonte, de quatre compagnies d’infanterie qu’il avait tirées de Leeuwaerden et de Sneeck et d’une compagnie de hauts Allemands venue d’Oldenzeel. Quoique mal rétabli de sa goutte, le 21 mai il monta à cheval et marcha aux ennemis, qui occupaient Delfzyl, où ils s’étaient fortifiés. Il logea, ce jour-là, à l’abbaye de Witterverum, près du Dam. Après quelques escarmouches, où l’avantage resta à l’armée royale, Louis de Nassau, dans la nuit du 22 au 23, battit en retraite. D’Arenberg se mit aussitôt à sa poursuite : le 23, vers le milieu du jour, il l’atteignit à Heyligerlée, à trois lieues de Delfzyl. En ce moment le comte de Meghem, avec de la cavalerie, n’était plus qu’à cinq ou six heures de marche, et son infanterie suivait à quelques lieues de distance : si d’Arenberg l’eût attendu, la perte de Louis de Nassau était presque infaillible. Soit, comme plusieurs historiens le rapportent, que les Espagnols le forçassent d’en venir

  1. Van Loon, t. I, p. 96.
  2. Lettre du 9 juin 1567, écrite de Groningue.