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Gaule Belgique. Bravant les flots de l’Océan, il avait deux fois planté ses aigles sur le sol encore mystérieux de la Grande-Bretagne. Franchissant audacieusement le Rhin, il avait répandu la terreur des armes romaines jusque chez les peuples les plus éloignés de la Germanie. De l’une à l’autre mer, depuis le Rhin jusqu’aux Pyrénées, ses légions ne rencontraient plus que des sujets et des tributaires ; car aucune importance sérieuse ne pouvait être attachée à l’héroïsme des Ménapiens, qui, retirés derrière leurs forêts et leurs marécages, continuaient seuls à braver les ordres du conquérant des Gaules. Mais toutes ces victoires n’avaient pas suffi pour enlever aux Belges l’espoir d’une délivrance prochaine. Esclaves sous le titre pompeux d’alliés de la république romaine, vaincus, mais non domptés, ils fournissaient en frémissant les hommes, les chevaux et les vivres que les envahisseurs ne cessaient de réclamer pour raffermir leur tyrannie ou marcher à de nouvelles conquêtes. Pendant l’été de l’an 54, tandis que César guerroyait pour la seconde fois sur le sol britannique, un vaste complot fut organisé par les soins d’Indutiomare, l’un des rois des Tréviriens, et d’Ambiorix, l’un des deux rois éburons. Rien n’avait su dompter l’orgueil et abattre le courage de ces fiers enfants de la Gaule Belgique : ni l’extermination des Tencthères et des Usipètes, ni l’horrible défaite des Nerviens, ni l’épouvantable châtiment infligé aux Aduatiques. C’était en vain que le collégue d’Ambiorix, Cativulcus, vieillard refroidi par l’âge et découragé par le malheur, s’était prononcé contre une entreprise dont il prévoyait l’issue funeste : le sentiment national, aigri par la haine de l’étranger, se manifesta avec une énergie tellement irrésistible qu’il fut lui-même forcé de prendre une part active au complot. D’un avis unanime, on convint d’exterminer les légions romaines à la première occasion favorable[1].

César n’ignorait pas qu’un sourd mécontentement existait chez les Belges septentrionaux ; il savait même qu’Indutiomare, roi des Tréviriens, cherchait les moyens de secouer le joug ; mais il était loin de soupçonner l’étendue du mal et l’imminence du péril : les dispositions qu’il prit à son retour sur le continent l’attestent à l’évidence. La récolte ayant à peu près manqué, par suite d’une sécheresse excessive, il se vit forcé de disséminer ses quartiers d’hiver sur une étendue considérable ; mais il eut soin de ne pas laisser entre les divers camps une distance de plus de cent mille pas, afin que les uns, en cas d’attaques isolées, pussent promptement accourir au secours des autres[2]. Une légion conduite par Fabius alla camper sur le territoire des Morins ; une seconde fut envoyée chez les Essuens ; une troisième, sous les ordres de T. Labienus, s’installa chez les Rémois, près des frontières des Tréviriens ; une quatrième, commandée par Q. Cicéron, le frère du grand orateur, s’établit chez les Nerviens, probablement sur l’emplacement aujourd’hui occupé par la ville de Mons. Quinze cohortes, c’est-à-dire une légion et demie, ayant à leur tête T. Sabinus et A. Colla, allèrent séjourner à Atuatuca, dans la patrie des Eburons[3]. Enfin, trois légions complètes, placées sous le commandement du questeur Crassus et des lieutenants M. Plancus et C. Tribonius, se fixèrent dans le Belgium proprement dit, correspondant aux contrées de la Picardie, de l’Artois et du Beauvoisis : circonstance qui suffirait seule pour prouver que le général romain ignorait les dispositions réelles de ses prétendus alliés. Un homme de sa trempe n’aurait pas groupé le tiers de ses forces dans la Belgique méridionale, à plusieurs journées de mar-

  1. Par une singulière coïncidence, Indutiomare avait rencontré chez son collègue Cingetorix les mêmes craintes et les mêmes résistances. Seulement Cingetorix, moins scrupuleux que Cativulcus, availt appelé l’attention de César sur les projets hostiles de son collègue.
  2. César lui-même indique positivement la mauvaise récolte pour cause de l’éparpillement de ses troupes (Comm., l. V, c. 24)
  3. On sait à combien de controverses l’emplacement de ce camp a donné lieu en Belgique, en France et en Allemagne. Nous nous contenterons de dire ici que les partisans de l’emplacement de Tongres nous semblent très-loin encore d’avoir établi leur thèse sur des arguments irréfutables.