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vie, il a indiqué quels sont les faits que l’on peut admettre comme certains. La distinction entre Alain, évêque d’Auxerre, (voir ce nom) et maître Alain de Lille a été établie dans la notice du premier. Ce sont bien certainement deux personnages différents. Plusieurs auteurs font du Docteur universel un Allemand, tout en avouant qu’il est né à Lille en Flandre. D’autres le croient Écossais, Espagnol ou Sicilien. Mais comme il est incontestable que le Docteur universel est l’auteur du commentaire sur les prophéties d’Ambroise Merlin, dont il est fait mention dans la notice d’Alain d’Auxerre et dont nous aurons bientôt à parler, il faut admettre, d’après son propre témoignage, qu’il naquit à Lille ou dans les environs de cette ville, peu d’années avant 1128. Vidi ego in Flandria, dit-il[1], quum puerulus adhuc essem, apud Insulam (unde oriundus fui), fœminam quamdam maleficam, quœ in maleficio suo comprehensa atque convicta, adjudicata est morti… Tempus illud fuit, quo comes Theodoricus ab Insulanis hominibus, Gandensibus quoque atque Brugensibus, advocatus erat a terra sua in Flandriam tamquam legitimus Flandriœ hœres, reprobato comite Willelmo Normanno, qui nihil in Flandria hœreditarii juris habebat. On sait que Thierri d’Alsace fut inauguré comme comte de Flandre, dans les principales villes du pays, en 1128, immédiatement après la mort de Guillaume Cliton ou le Normand.

La date de la mort d’Alain de Lille a également donné lieu à des opinions les plus divergentes. Selon quelques écrivains, il serait mort en 1194 ; d’autres prolongent sa vie jusqu’en 1294 ou 1300. Albéric de Trois-Fontaines, qui vivait vers le milieu du xiiie siècle, place sa mort en 1202 : Apud Cistercium, dit-il[2], mortuus est hoc anno magister Alanus de Insulis, doctor famosus et scriptor ille Anticlaudiani, qui in theologia fecit artem quamdam prœdicandi, et contra Albigenses, Valdenses, Judœos et Sarracenos libellum edidit succinctum ; et alia quœdam illius habentur opuscula. L’auteur du Magnum Chronicon Belgicum, donne la même date et dans les mêmes termes[3]. Entre toutes les opinions, c’est à l’autorité positive d’Albéric de Trois-Fontaines qu’il faut s’arrêter. D’après lui, c’est donc à Cîteaux que mourut Alain, en 1202. Il fut inhumé, dans le cloître du monastère, près de l’entrée de l’église. Jean de Cirey, abbé de Cîteaux[4], fit ériger sur sa tombe, vers l’an 1482, un monument dont on peut voir la description dans Martène, Voyage littéraire, t. I, part. I, p. 214 ; dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. IX, p. 229, et dans la Patrologie latine de Migne, t. CCXX, p. 42, où l’on a reproduit les prolégomènes de l’édition des œuvres d’Alain, publiée, à Anvers, par De Visch.

La tombe où Alain était représenté en habit de frère convers de l’ordre de Cîteaux portait l’inscription suivante :

ALANUM BREVIS HORA BREVI TUMULO SEPELIVIT,
QUI DUO[5], QUI SEPTEM[6], QUI TOTUM SCIBILE SCIVIT ;
SCIRE SUUM MORIENS DARE VEL RETINERE NEQUIVIT.

Deux siècles après, on y ajouta quatre vers, dont le troisième reporte sans fondement sa mort à l’année 1294. Beaucoup plus tard encore, on plaça, au-dessus d’un bas-relief du monument, une inscription en français. À côté de celle-ci, il y en avait une autre en latin qui donne une idée assez exacte des ouvrages d’Alain :

SUBJACET HUIC LAPIDI, TOTI VENERABILIS ORBI,
ALANUS DOCTOR, QUEM DECET ALMUS HONOR.
THEOLOGIS AC PHILOSOPHIS MERITO SOCIANDUS,
VATIBUS ANTIQUIS NEC MINOR IPSE FUIT.
EGREGIE SCRIBENS, PLANXIT, DOCUIT, RESERAVIT
NATURAM, MORES, MYSTICA VERBA DEI.
INCLYTA GESTA MORES, JESU CECINIT, CLAROSQUE TRIUMPHOS,
ARTES DEPINGENS, MILITIAMQUE POLI.
ELOQUII PICTOR, MORUM CENSOR, CYTHARISTA
PYERIDUM, FIDEI BELLIGERATOR ERAT.
HIC MUNDUM FUGIENS, SUB RELIGIONIS AMICTU
VIXIT ; ADHUC MANET HIC, EN TUMULATUS ADEST.

Un fait certain, acquis à la biographie si obscure du Docteur universel, c’est qu’il se retira à Cîteaux et qu’il y finit ses jours.

Henri de Gand, dit le Docteur solen-

  1. Alani Commentaria in prophetias Merlini Angli, lib. V, fol. 198, edit. Antverp.
  2. Édition de Leibnitz, p.429.
  3. Voir Struvius, Rerum Germanicarum Script, t. III, p. 219 ; édit. de Ratisbonne, 1726.
  4. Il fut abbé depuis 1476 jusqu’en 1501.
  5. L’Ancien et le Nouveau-Testament.
  6. Les sept arts libéraux.