Sans toi, sans le tombeau, tout serait moins affreux !
Dès l’âge de trois ans tu m’enlevas ma mère »
Ma sœur est au cercueil ; conserve-moi mon père !
Tu te ferais chérir de celle qui te hait,
O mort, si d’un enfant tu comblais le souhait !
Césarie vivait à Hyères dans le sein d’une société distinguée :
là, plusieurs savants, chassés par les hivers du
Nord, venaient chercher le printemps du Midi, puiser
de chaleureuses inspirations et retremper leur âme et
leur santé. Le célèbre de Lacépède n’avait pas dédaigné
Césarie ; il se plaisait même à la questionner, à l’entendre
expliquer l ’Enéide ou quelques épîtres d’Horace, ou
réciter quelques fragments d’une traduction qu’elle avait
entreprise du premier chant de la Henriade en vers la¬
tins. Là muse-enfant faisait aussi des impromptus à toutes
les dames qui l’aimaient et présageaient pour elle un
avenir de gloire et de bonheur. Arrivée à l’àge de onze
ans, elle ne put, malgré la vaccine que lui donna son
père, échapper au fléau de la petite vérole, ce qui désola
M. Gcnsollen ; car un père et une mère ont toujours une
involontaire coquetterie pour leurs enfants. Un père veut
toujours que sa fille soit jolie. Témoin des regrets de
l’auteur de ses jours, Césarie sécria : « Ne t’alarme point,
mon père ; je serai bonne, aimable ; cela ne vaudra-t-il
pas mieux qu’une passagère beauté ? »
A treize ans, cependant, Césarie ne savait encore au¬ cun de ces travaux habituels aux femmes, et dont l’igno¬ rance ou l’oubli sont quelquefois plus communément qu’on ne le croirait la source ou l’origine de leurs cha¬ grins dans 1 la vie, à mesure qu’elles s’y avancent. Elle désira les connaître, et fut envoyée à cet effet dans un pensionnat de Marseille, où de jeunes ennemies de ses précoces talents ne tardèrent pas à tourner la pauvre fille en ridicule, en lui prodiguant les épithètes de sa-