Page:Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises.pdf/409

Cette page n’a pas encore été corrigée

souvent il m’inspire un silence désobligeant dans des occasions où de petites faussetés aimables qui n’engagent à rien seraient tout à fait de bon goût. L’air vif des hauts lieux a passé dans ma vie. Ma première enfance s’est écoulée inculte sur les montagnes, au milieu des sombres châtaigniers ; j’ai retenu quelque âpreté de la contrée sauvage. Pour que je voie un être quelconque, il faut que je l’estime, que je l’aime ou que je lui sois nécessaire ; je n’ai jamais entretenu une liaison dans des intentions intéressées. Nulle femme n’est plus. froide, plus silencieuse, plus insignifiante et quelquefois plus amère que moi, quand je subis la présence ou la conversation d’êtres avec lesquels je ne sympathise ni de cœur, ni de pensée. Je suis affreusement maussade avec tout ce qui m’ennuie par d’imbéciles prétentions à l’esprit ou à de fades et menteuses tendresses. La simplicité me trouve affable et tout à fait indulgente. Il y a des personnes qui, après m’avoir vue bien des fois avec indifférence, se sont avisées soudainement de découvrir que j’étais charmante 9 c’est leur expression. Charmante ! peut-être le suis-je en effet quand je sens la bonté autour de moi : l’âme s’épanouit aux rayons de ce doux et vivifiant soleil. Charmante ! Il y a des oiseaux qui chantent avec une grâce merveilleuse quand le froid de la nuit enveloppe la terre ; il y a des ruines que le temps décore.

Le soupçon qui tend à me rapetisser me laisse froide et muette ; ma fierté ne sait pas descendre à’ toutes les justifications. Ün mot pourrait m’épargner la douleur,je le sais bien ; mais ce mot, je ne le dis pas : il me semble qu’en le disant, je sanctionnerais l’offense, que je l’accepterais ; ne répondant pas, je la tiens à distance de moi. Pourtant, si j étais vraiment bonne, je parlerais : car enfin ma satisfaction d’orgueil est amère à un autre. Qu’il est difficile de se désintéresser entièrement de soi !