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formidable de rÉcriture, refuserait sa lumière au monde. Je serais condamnée à errer dans de froides ténèbres, sur une terre dévastée, sans rencontrer ni limites, ni figure humaine ; sans espérer jamais qu’une voix répondît à ma voix, qu’un faible bruit liât mon existence d’ombre à l’existence animée du passé ; tout serait muet, immobile ; l’horreur du vide m’entourerait ; j’aurais hérité de toutes les douleurs humaines, qu’il n’y aurait pas alors en moi plus de lassitude des choses et d’effroi de la vie.

Mon Dieu! que voulez-vous de moi? Ai-je élevé contre votre Majesté une plainte criminelle ?

Quand ce mal me saisit, je suis avide autour de moi de silence, de doux mouvements ; ma voix se fait basse, lente, on dirait une prière. Je tâche d’être seule. Mes enfants s’attristeraient, d’autres riraient de moi. Petite fille, je tremblais de tous mes membres sous la puis¬ sance d’un mot. Ma mère, sublime de dévouement, ne me caressait jamais ; peut-être aussi gardé-je l’impres¬ sion d’événements terribles accomplis dans une autre existence : nous ne savons rien.

La mer a ses calmes, sa grâce invitante ; j’ai de cela aussi moi. Demandez à mes chères petites que j’instruis. que je gronde, que je désole, que j’aime follement ou avec une sage retenue, selon mon besoin ; demandez- leur combien je puis être bonne, simple, doucement familière, heureuse de leurs joies, agitée de leur tris¬ tesse ou seulement de leur humeur. Ce n’est pas tou¬ jours moi qui ai tort ; et cependant je tends souvent la main, je donne le baiser de merci et de paix, sans qu’on l’ait demandé. Elles sont mon conseil. Toute chose do¬ mestique est discutée en commun, bien sincèrement et sans résolution prise à l’avance. Ma fille aînée a voix in¬ fluente : son sérieux de treize ans lui donne droit à cette