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Dieu et de son œuvre. C’est la nuit que j’ai fait les meilleures pages, c’est la nuit que j’ai écrit une par¬ tie de mon nouveau roman, Marguerite. Dans ces veil¬ les d’entraînement et d’oubli délicieux, le matin m’a surprise plus d’une fois. Ses discrètes lueurs me don¬ naient ensemble regret et plaisir : ma vie rentrait dans la grande vie humaine ; vie incomplète. Il riy a que des commencements sur la terre, a dit madame de Staël : en effet, rien ne s’y achève.

Quand les exigences du cœur se font entendre bien haut, ou quand j’ai trop l’effroi de certaine inquiétude mystérieuse, sans objet, je vais chercher dehors la sen¬ sation aimée. Un espoir, bien rarement déçu, me conduit souvent chez la femme qui voit rayonner autour d’elle, pure et lumineuse étoile, toutes les illustrations de cet âge, Mme Récamier. Qu’elle trouve ici l’expression de mes belles admirations, de mon tendre dévouement!… J’étais bien ignorée, madame, que déjà votre bienveil¬ lance délicate mettait dans mon isolement comme un reflet des affections de la patrie, comme la sérénité d’es¬ pérances heureuses. Mes jours de bizarreries, de doutes amers, de déraison hautaine et tourmentante, vous ont affligée. Suis-je quelque chose dans une telle vie? de¬ mandait ma fière affection. Vous êtes venue m’en faire repentir. La dernière fois, vous m’avez vue ayant peur de ma folie. Ce n’était pas seulement votre grâce élé¬ gante d’habitude ; il s’y mêlait une grâce sérieuse, peut- être indignée. Un de vos merveilleux secrets, c’est de ne jamais rien perdre de vos séductions. Vous qui avez tant à choisir, vous m’aimez, je le sens, au bonheur di¬ gne et paisible que me donne votre présence. Oh ! tour¬ tes les voix de mon cœur exaltent vos mérites !… Pour¬ quoi donc ces injustices? C’est qu’il y a en moi le venin de la tristesse! comme dit l’auteur de Luiz de Souza.