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quiétudes incomprises du cœur, qui déjà se faisaient sentir, par de brûlantes études. Tous les jours, une lec¬ ture de quatre-vingts à cent pages d’histoire ; tous les jours, j’apprenais de la belle poésie ; le dimanche, je dévorais un roman de choix. Ce roman, je le contais ensuite à ma sœur, très-avide de ces récits et charmée de s’épargner la fatigue d’une lecture assidue. Une pu¬ deur instinctive, bien plus que réfléchie, me donnait le courage de certaines altérations, je faussais un peu les personnages et les faits. Ainsi Vami remplaçait Y amant ; Yamour n’était plus qu’une affection comme la nôtre. A ces légers changements près, la narration se trouvait fidèle. Bien différents étaient les contes, je les ornais de curieuses insertions d’incidents merveilleux : la légende allait toujours s’effaçant davantage, et, assez communé¬ ment, elle se perdait dans la péripétie. Plus tard, les voyages, plus tard encore, les œuvres de haute pensée. Que je me sentais bien! Ma sœur, tout près de moi, qui respirait doucement ou qui chantait un air léger, ou qui me regardait avec une tendresse confiante ; ma jolie broderie, moitié dans ma corbeille, moitié dans mes mains ; et mon livre ouvert sur le bord intérieur de la fenêtre! Je disais dans une ivresse de larmes ou de transports heureux des scènes de Corneille, de Racine, de Voltaire ; des chants de Virgile, le deuxième et le quatrième surtout : l’émotion accentuait ma voix. Main¬ tenant encore, quand je les redis, quand je dis aussi une méditation de Lamartine, un chant lyrique d’Hugo ; et la grâce soupirante, élevée et délicate d’un sonnet ou d’une élégie de Sainte-Beuve, d’un chant de Mme Tastu, d’une idylle de Briseux ; et l’élégie inquiète, passionnée de M me Valmore, de M me Waldor, tout cela me rend mon jeune et beau passé ; je me retrouve avec mes purs enthousiasmes et mes bonheurs de tristesse et de vague