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et beau soleil. Après lui s’est levé le jour de la vérité ; je ne l’ai pas béni ; mais je n’ai pas fermé les yeux à ses clartés sévères. Une voie nouvelle, que nul désir ne m’avait révélée, s’est ouverte devant moi ; j’y suis entrée morne, secrètement éperdue ; j’ai laissé dans la voie, où nul ne peut repasser, la grâce des affections confiantes, paisibles ; la fatuité superbe des vastes espérances.

C’est à Lyon que je suis née. Mon origine est très obscure : je suis petite-fille de laboureurs et fille de marchands. Le nom de mon père ne s’est inscrit que dans le souvenir de quelques hommes bons et simples : il y est pur.

Mon entrée dans la vie ne fut pas une fête. Ma mère se sentit frappée de douleur en apprenant qu’elle venait de mettre une fille au monde, pourtant elle avait deux fils. Savait-elle que la nature et la société ont fait à la femme une destinée qui n’est belle qu’un jour? Et la destinée de mère ? je l’oubliais : oh 1 les années ne lui ôtent rien de sa chasteté, de sa tendre grandeur. Ma mère disait son angoisse ; et moi je l’écoutais ; et je m’ini¬ tiais toute petite à la dignité mélancolique de la réflexion. Pourtant j’avais ma part des bonheurs de l’enfance. Le jeudi et le dimanche, je ne cherchais dans le ciel que l’espoir d’une journée sereine : c’est qu’on devait faire une longue promenade dans les champs. Ma mère, femme grande de cœur, toujours oublieuse d’elle-même, avait ces jours-là bien des choses à établir : je le savais trop. Que d’allées et de venues inquiètes de la porte de dehors à la porte de la chambre où ma mère passait des fils à une de ces coiffes de dentelles qui allaient si bien à sa belle et imposante figure…. La rue où nous demeurions était étroite et sombre, rarement le soleil éclairait le pavé toujours humide. Je le voyais, ce soleil aimé, jaunir le haut des maisons voisines ; je le voyais