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œuvres ; et dans la disette des matériaux, je n’aurais eu garde de laisser enfuir la sublime Halida, qui, remise à l’ordre du jour à l’aide d’une refonte générale, ne manquerait pas de mérite : l’idée mère était bonne.

Alors arrivèrent d’autres occupations que des ro¬ mans à composer ; on me plaça sous-maîtresse dans une pension.

C’est un cruel moment dans la vie, que celui où l’on quitte une bonne famille pour entrer chez les autres : on a le cœur bien gros ; moi surtout, enfant gâtée, élevée tout doucement par ma mère, me trouver au milieu de trente jeunes filles, moqueuses, insolentes, qui, s’aper¬ cevant bientôt que je n’avais pas l’idée de tenir une classe, me rendaient malheureuse à plaisir. L’une se riait de mes airs d’autorité, moi plus jeune qu’elles ; l’autre dénigrait mon instruction : puis quand je me f⬠chais, les méchantes me reprochaient d’être une maî¬ tresse sans diplôme. Oh ! ce reproche me fut sensible, et je songeai à me mettre en mesure pour que pas une âme au monde pût me le répéter. Et me voilà travaillant le soir, la nuit, en dînant, aux récréations ; dès que je pouvais dérober un instant à mes devoirs de maîtresse d’étude, j’étudiais : c’est ici le moment le plus brillant de ma vie, car, je vous le jure, il* faut du courage pour se mettre à pâlir sur des livres de grammaire et de logique. Quand on a passé douze heures à faire étudier et répéter des enfants. Au bout d’un an, j’avais passé mes trois exa¬ mens, je tenais un diplôme de première classe, je pouvais marcher la tête haute dans ma carrière d’institutrice, alors je m’aperçus que chacun avait changé de ton avec moi. Mais songeant au proverbe divin : « Nul n’est prophète dans son pays,» je secouai la poussière de mes pieds contre cette ingrate maison, et je fus colpor¬ ter mes petits talents dans une des célèbres institutions