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cette acclamation, pensa au ballet de Psyché, qu’elle avait vu représenter pendant sa grossesse J et crut avoir donné le jour à un second certain Diable vert qui l’avait désagréablement frappée. « Voyons, voyons, s’écria-t-elle : donnez-moi ma fille, je veux la voir. » Et jetant sur moi un regard furtif, tant elle craignait de rencontrer des cor¬ nes et des griffes, elle fut doucement flattée de me voir un nez, une bouche et des yeux comme à toute créature humaine. « Elle n’est pas déjà si mal, » fit-elle en me bai¬ sant. Il paraît cependant qu’elle fut à peu près la seule à le croire: car ma bonne qui, soit par un ricochet de l’amour maternel, soit par flatterie, me tenait aussi pour fort gentille, se voyait souvent obligée, dans les promenades, de soutenir des combats à outrance contre les autres nourrices, qui ne cessaient de se récrier sur ma maigreur, ma noirceur, mes yeux cernés, ma taille fluette et délicate qui menaçait de vouloir tourner.

A la longue, je me suis un peu débarbouillée, à ce point qu’à seize ans j’entendis un jour quelques jeunes gens dire de moi : a Voilà une petite demoiselle toute gentille. » Je demeurai saisie, car jamais rien de semblable n’avait frappé mes oreilles. J’étais élevée dans là crainte dé Dieu et l’habitude de me croire laide ; depuis, d’autres com¬ pliments du même genre m’ont été faits. Mais je dois vous prévenir qu’un peu de bonne tournure, des yeux assez doux et une physionomie bonne-enfant font tous les ’ frais de ma beauté. Maintenant, au moral.

Les trois Siècles littéraires de l’abbé Sabatier commen¬ cent par la biographie d’un pauvre poëtenommé Abeille, qui, touchant dans son humilité, a composé son épita¬ phe, finissant ainsi :

El quand d’Abeille on parlera,

Dame postérité dira :

Ma foi, s’il m’en souvient, il ne mVn souvient guère