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c’est l’art de penser et d’écrire. Hors de là, il n’y a plus d’écrivain, il n’y a plus de livre ; et si un livre qui manque de cette qualité trouve par hasard des lecteurs, c’est qu’il n’y a rien qui ne trouve des lecteurs chez un peuple oisif et blasé, pour lequel la variété des sensations supplée tant bien que mal à leur pauvreté.

Un livre de femme devrait donc être 4'avant tout un livre de femme ; et les femmes le savent bien, car cette espèce d’axiome n’a jamais souffert de nombreuses exceptions. Pour s’approprier avec puissance la pensée tout entière du sexe dans lequel on n’est pas né, il faut se pénétrer de son éducation, de ses mœurs, de sa manière de sentir, de ses émotions les plus familières, et c’est un effort contre nature qui s’épuisera en dix mille essais avant de produire un chef-d’œuvre. La difficulté de faire parler les femmes est le plus grand écueil des poëtes dramatiques et des romanciers. Le grand Corneille ne l’a pas vaincue. La Julie de Rousseau est un jeune étudiant des universités d’Allemagne qui s’est déguisé en Vaudoise. Quand un génie heureux triomphe de cet obstacle, on suppose volontiers qu’il s’est inspiré de l’âme et du caractère des femmes ; il serait presque toujours plus naturel et plus vrai de penser qu’il s’est inspiré de leurs conversations et qu’il a en quelque sorte écrit sous leur dictée.


Je ne l’ai pas encore embrassé d’aujourd’hui,


est un mot de femme, un mot de mère, mais c’est un mot entendu.