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profonde et femme encore. On verra quand elle en vient à cet abîme, comme son style s’élève et s’agrandit ; comme elle est tour à tour fille, mère, sœur, amante, épouse dévouée. C’est certainement la femme complète pour l’esprit et l’âme, c’est la femme trop grande pour écrire du roman seulement, parce qu’elle est trop franche surtout, et que pour elle les yeux, c’est la pensée, et le style, c’est la parole.

Cet art exquis de recevoir que Mme d’Abrantès a loué dans sa mère est celui qu’elle possède au suprême degré. Il est impossible de trouver un salon dont la maîtresse fasse mieux les honneurs et abandonne le mieux à ses hôtes la jouissance exclusive. Chaque individu, chaque petit comité y possède sa liberté complète, et tous les efforts de la duchesse tendent à s’y faire oublier ; mais toujours autour d’elle et auprès d’elle se serre la foule ; et là, éblouissante d’esprit, vive à la causerie, à la réplique, faisant valoir le moindre mot qui échappe aux autres, relevant pour les embellir les observations justes ou fines, elle anime, elle enchante, elle peuple la conversation de ses reparties, de ses sentiments, de ses souvenirs ; elle répand ses largesses, mais non pas en avare ; car ce qu’elle reçoit des autres en esprit, en observation, en goût, elle le rend au centuple : elle a le moyen d’être toujours neuve, toujours amusante, toujours pittoresque, toujours gaie.

Le salon de la duchesse d’Abrantès, où se réunissent toutes les supériorités de l’Europe, est cependant un de ceux que l’on fréquente avec plus d’amitié que de cérémonie ; c’est-à-dire qu’il n’y a de contrainte et d’étiquette que celle que l’on veut se créer à soi-même, sans que l’on ait pour cela la faculté de gêner les autres. Pleine de tact et de délicatesse dans l’esprit, elle n’impose rien à personne ; pourvu qu’une âme anime le corps, peu lui