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personnes qu’elle sait incapables d’en abuser. Mais un écueil qu’une maîtresse de maison doit éviter comme un fléau maudit, comme le symbole de tout épouvantail. c’est de faire de son salon un bureau d’esprit : j’en ai vu des effets effrayants, c’est le mot.

À l’arrivée de sa famille à Paris, déjà les troubles qui si longtemps ensanglantèrent la France couvaient sour¬ dement, et Forage se formait à l’horizon. À un âge où la raison suffît à peine au choix des plaisirs, la duchesse d’Àbrantès vit défîler devant elle ce cortège hideux et lâche qui préside toujours à la conquête de la liberté. Elle vit toutes ces scènes horribles, entendit autour d’elle cès cris d’une populace ivre de sang et d’eau-de- vie, et dans son intérieur, tout dévoué à l’auguste mo¬ narchie qui tombait à force de fautes et de basses ini¬ mitiés, retentit le bruit de la hache qui assassina Louis XVI. Au milieu du deuil général, toujours il lui fallut trembler pour les jours d’un père, d’un frère et de tout ce qu’elle aimait. Tantôt séparée de ses parents, tantôt réunie avec eux, elle resta en butte à toutes les secousses d’une tempête qui pouvait les engloutir. Il faut avoir lu dans ses Mémoires tous ces récits pleins de drame et de vérité, pour se former une idée assez juste de cet heureux temps où le sol fut arrosé de tant de sang français pour ne rien produire ; car, pour nous du moins qui comparons, nous avons le malheur de ne pas apprécier les fruits de tous ces exploits populaires, et de regretter la belle et bonne monarchie, quand même…

Depuis ces moments où une aurore plus sereine se leva sur la France, une intimité plus vive réunit la mai¬ son de Permon à la famille Bonaparte. Chaque pas dans cette carrière immense fut mesuré par l’intelligence qui devait plus tard en retracer, l’histoire. C’est là qu’on trouve avec intérêt les luttes malheureuses que toujours