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talents. Parmi elles brillait Mme de Staël, dont le mâle génie fut un des soutiens de la liberté naissante ; Mme de Genlis, qui tenait la palme du roman, avant que M rac Co- tin n’ait créé les admirables scènes d ’Élisabeth et de Malek-Adhel : Mme de Genlis, d’ailleurs, n’avait pas en¬ core prostitué son talent à la dévote manie d’insulter à la raison et à la gloire nationale. Mme Dufrénoy, douée d’un esprit élevé, et dont le cœur noble et passionné a trouvé pour l’élégie une corde qui manquait encore à la lyre française. On conçoit combien ces femmes justement célèbres durent exciter l’envie, surtout parmi les hom¬ mes médiocres qui aiment à se venger des triomphes obtenus par un sexe dont ils ne peuvent endurer la su¬ périorité. De grands talents même sont quelquefois des¬ cendus jusqu’à la jalousie : dans une société où l’on fil des lectures, Lebrun avait été moins applaudi qu’une femme poëte, entendue après lui. Le grand lyrique s’en irrita et fit insérer dans la Décade philosophique des stances où se trouvait ce vers, souvent répété depuis :

Ifoncre sied mal aux^doipts de rose.

A cette occasion, une querelle s’éleva parmi les gens de lettres. Lebrun avait prié Mme Constance Pipelet, dont il appréciait le mérite, de ne point descendre dans l’a¬ rène, l’assurant qu’il la regardait comme une excep¬ tion. En effet, sans prendre parti dans ce singulier pugilat, notre poëte improvisa en quelque sorte son Epitre aux femmes, et jeta cette œuvre de raison, de goût et de convenance, au milieu de l’émeute littéraire. Bientôt elle la lut elle-même dans le Lycée où professait La Harpe. On se plut à voir la poésie prêter à la raison l’éloquence la plus entraînante. Un immense concours d’auditeurs se pressait pour l’entendre. L’intérêt et la nouveauté du sujet, le charme de la poésie, la grâce et