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qui s’en sont rendus coupables ne savent pas tout le tort qu’ils se sont fait à eux-mêmes : vos vers le leur feraient sentir s’ils étaient capables de les lire et d’y comprendre quelque chose. Au reste, si vous veniez à publier cette pièce de vers, je craindrais qu’on n’y découvrit une ten¬ dance à aimer notre patrie, à la plaindre, et même à lui donner la préférence sur la Russie et l’Angleterre, ce qu’il est bien difficile de vous pardonner.

« En général, les observations critiques qu’on pourrait se permettre sur vos ouvrages se réduiraient à presque rien ; et il y aurait même à craindre qu’une trop grande facilité de votre part à y céder ne portât plus de préju¬ dice à la bonté et à l’effet de l’ensemble qu’elle n’y pourrait ajouter : il y a d’heureuses négligences ; il y a des traits originaux, des locutions, des tours propres à certains esprits supérieurs ; si vous les leur ôtiez, ils se¬ raient moins eux-mêmes, ils retomberaient dans la ma¬ nière commune, et ils y perdraient beaucoup plus qu’ils ne pourraient y gagner. Si j’avais le bonheur de vivre plus rapproché de vous, et que nous lussions ensemble vos élégies, je pourrais vous proposer quelques doutes qui ne valent pas la peine d’être écrits. Par exemple, je pense qu’en faisant une apostrophe à Poussin, il ne faut pas lui dire le Poussin ; comme on ne dirait pas : « 0 toi, le

Tasse ; » mais « 0 toi, Tasse immortel !.» Le nom du

Tassé et le nom du Poussin étaient Tasso, Poussin. »

Qui ne reconnaîtrait dans cette lettre la manière de dire d’Andrieux ; cette manière à la fois douce et polie autant que fine d’exprimer sa pensée, et cette réserve pleine de grâces, ce doute de soi-même qu’on cherche¬ rait vainement aujourd’hui chez les génies et les cri¬ tiques de notre époque !

Dans ces vers, auxquels Andrieux craignait que l’au¬ teur lui-même ne touchât, Lebrun trouvait autant de