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venir, si on leur donne la suggestion positive de tout se rappeler au réveil, ou si comme l’a ingénieusement imaginé M. Delbœuf, on les réveille brusquement pendant que, plongés dans le somnambulisme, ils accomplissent un acte commandé ; alors, pris sur le fait au moment du réveil, ils peuvent se rappeler l’acte qu’ils étaient en train d’exécuter, ils peuvent se rappeler l’ordre reçu, et de cette façon la continuité psychique de la veille et du somnambulisme se trouve établie.

Mais ce sont là des artifices, qui n’ôtent rien à l’exactitude de la règle posée ; l’oubli reste la vérité dans l’immense majorité des cas, et presque tous les observateurs sont d’accord pour le reconnaître. Le livre de la vie somnambulique se ferme au réveil, et la personne normale ne peut pas le lire.

D’après notre seconde proposition, le sujet retrouve dans un somnambulisme nouveau les souvenirs des premiers somnambulismes, et il se rappelle également son état de veille. C’est donc pendant le somnambulisme que la mémoire atteint son maximum d’extension, puisqu’elle embrasse à la fois les deux existences psychologiques, ce que la mémoire normale ne fait jamais. Nous avons déjà trouvé cette supériorité de la mémoire somnambulique dans les observations de somnambulisme naturel ; Félida, avons-nous vu, quand elle est dans l’état second, se rappelle à la fois cet état et l’état prime. C’est une ressemblance nouvelle à ajouter à tant d’autres. On peut même remarquer que la somnambule, quand il s’agit de se rappeler certaines particularités de l’état normal, a plus de mémoire que la même personne éveillée.

Cet ensemble de faits, dont l’exactitude, nous le répétons, a été vérifiée par un si grand nombre d’auteurs qu’il est inutile de citer des noms, suffit amplement pour conclure que le somnambulisme provoqué présente les mêmes caractères de mémoire que le somnambulisme naturel, et Braid a pu dire avec raison que le somnambulisme artificiel est une division de la conscience.