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idée, ou par un groupe d’idées, qui impriment à toute son existence une orientation particulière. Il n’entend pas ce qu’on lui dit, quand les paroles prononcées n’ont aucun rapport avec son idée fixe et ne peuvent pas s’y incorporer ; les objets qui l’entourent le laissent indifférent, ou ne sont pas perçus d’une manière consciente, quand ils ne se rapportent pas à sa préoccupation habituelle.

Ces phénomènes constituent bien une altération de la personnalité par fractionnement spontané ; aussi rentrent-ils logiquement dans le cadre de ce chapitre.

Nous avons vu que le cas type de la première série d’observations est le cas de Félida. On peut dire que cette nouvelle série possède aussi un cas type, aujourd’hui bien connu ; c’est celui du sergent de Bazeilles, publié par M. Mesnet[1]. Nous reproduisons in extenso cette observation importante.

« F…, âgé de vingt-sept ans, sergent à l’armée d’Afrique, reçut, dans les batailles livrées sous Sedan, une balle qui lui fractura le pariétal gauche. La balle, tirée obliquement, fit une plaie de 8 à 10 centimètres de longueur, parallèle à la suture temporale, et située à 2 centimètres environ au-dessous de cette suture.

« Au moment où il reçut cette blessure, F… eut encore la force de renverser d’un coup de baïonnette le soldat prussien qui venait de le frapper ; mais, presque aussitôt, son bras droit se paralysa, et il dut abandonner son arme pour échapper à l’incendie et aux obus qui pleuvaient sur le village de Bazeilles en feu. Il put marcher environ 200 mètres, puis sa jambe droite se paralysa à son tour, et il perdit complètement connaissance. Ce n’est que trois semaines après que F…, reprenant l’usage de ses sens, se trouva à Mayence, où il avait été transporté par une ambulance prussienne.

« À ce moment, l’hémiplégie du côté droit était complète, la perte du mouvement absolue. Six mois après, trans-

  1. De l’automatisme de la mémoire et du souvenir dans le somnambulisme pathologique. (Union médicale, 21 et 23 juillet 1874.)