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nous avons reproduites sont, à part quelques divergences de détail, d’une remarquable uniformité, et les autres que nous pourrions y ajouter ne nous apprendraient rien de bien nouveau ; ce n’est pas que tout soit dit sur ces cas pathologiques ; nous croyons au contraire qu’il y aurait lieu d’en pousser l’étude plus loin, et nous avons le soupçon que l’état second présente un très grand nombre de caractères psychologiques intéressants ; on trouve malheureusement peu d’éclaircissements sur ce point dans les observations publiées jusqu’à ce jour ; toutes paraissent à peu près calquées sur le même modèle, celui de Félida[1].

En général, les observateurs n’ont noté chez leurs malades que deux conditions différentes d’existence ; mais ce nombre de deux n’a rien de constant ni de fatidique, il n’est peut-être même pas aussi général qu’on le croit ; en y regardant bien, on trouve trois personnalités chez Félida, et un bien plus grand nombre chez Louis V… C’en est assez pour repousser l’expression de dédoublement de la personnalité qu’on a voulu appliquer à ces phénomènes ; il peut y avoir dédoublement, comme il peut y avoir morcellement en trois, quatre personnalités, etc.[2]

Je suis persuadé que les alternances et successions de personnalité chez les hystériques ne sont point des phénomènes exceptionnels. Ce qui est exceptionnel, c’est de trouver des sujets types, comme Félida et comme Louis V…, chez lesquels le dédoublement est marqué en si gros caractères qu’il a pu frapper des esprits non prévenus. Peut-être même que si on regardait bien attentivement beaucoup d’hystériques, on en rencontrerait d’autres qui ne le céderaient en rien aux précédents. En tout cas, la succession de personnalités distinctes doit exister, à quelque degré, chez plusieurs ; ce phénomène doit se traduire, non par

  1. Voir une observation de M. Myers, Proceedings of the Society for Psychical Research, 1887, p. 230. — Ladame, Rev. de l’hypn., 30 janvier 1888, etc.
  2. On a prétendu expliquer par la dualité des hémisphères cérébraux les dédoublements de la personnalité. M. Ribot a réfuté d’une manière qui me paraît définitive cette opinion bien étrange.