Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/323

Cette page a été validée par deux contributeurs.

incessamment pour assurer la réalisation d’une suggestion, qui se fait sans que la conscience normale puisse se rendre compte de rien.

En résumé, nous avons vu se produire, soit chez des malades, soit chez des sujets en expérience, un véritable émiettement de consciences ; et de temps en temps, souvent avec l’aide d’un peu de suggestion, une de ces consciences a pu atteindre la dignité d’une personnalité véritable.

La personnalité de nos sujets d’observation et d’expérience nous a paru comparable à un édifice compliqué et fragile, dont le moindre accident peut renverser une partie ; et les pierres détachées de l’ensemble deviennent, chose curieuse, le point de départ d’une nouvelle construction qui s’élève rapidement à côté de l’ancienne. Ce dernier trait, sans être spécial à l’hystérie, ni même présent chez tous les hystériques, est cependant bien caractéristique des études précédentes.

Il ne faut pas, cependant, exagérer le rôle des personnages subconscients, et étendre sans discernement les conclusions des études précédentes à la vie normale. Le fait primitif, nous l’avons dit, ce ne sont point les personnalités secondaires, c’est la désagrégation des éléments psychologiques ; ce n’est qu’après coup, et souvent par dressage, par suggestion, que ces éléments épars s’organisent en personnalités nouvelles. Ce second temps du phénomène est distinct et indépendant du premier, et probablement beaucoup moins fréquent, surtout chez les individus normaux ; on ne saurait admettre que tous les états qui se produisent en nous sans que nous en ayons conscience, appartiennent à d’autres personnages, et que par exemple, lorsque nous regardons un objet, les sensations vagues que nous envoient les autres objets dans la vision indirecte sont accaparées par des personnalités secondaires, tapies en quelque sorte derrière notre conscience personnelle ; ces sensations indistinctes restent, à notre avis, simplement disséminées. Pour tout dire, trois propositions principales résument les faits précédents :