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même et prend le nom romanesque de Clélia, nom que l’auteur prétend n’avoir jamais connu ; en tout cas, s’il l’a connu, il n’en a pas conservé le souvenir conscient. Ce nom inconnu de Clélia, écrit subitement par la main du médium, semble avoir vivement impressionné l’observateur, et il dit que pendant un certain temps il a cru avoir affaire à un personnage réel. Chacun de nous peut s’imaginer par quelles émotions il a dû passer à ce moment-là, et je gage que plus d’un lecteur sera tenté de renouveler l’expérience, contre laquelle je crois cependant qu’il est bon de se tenir en garde, car on y perd toujours un peu de l’unité de sa pensée et de la clarté de son intelligence.

Quant au contenu des réponses, M. A. remarque qu’il n’y a jamais trouvé la révélation de faits à lui inconnus ; sur ce point, plusieurs observations sont à présenter. D’une façon générale, il est exact de dire que le personnage inconscient qui joue le rôle d’esprit, n’étant qu’une portion détachée de l’intelligence du médium, ne peut pas avoir d’autres facultés et d’autres connaissances que lui. La lecture des nombreuses évocations spirites qu’on a publiées et où l’on a fait parler des personnages célèbres, tels qu’Archimède, Socrate, Aristote, montre qu’on n’a pu tirer de ces grands génies aucune pensée profonde et digne d’eux ; ce sont en général des réflexions banales, qui ne dépassent point la portée d’une intelligence ordinaire. Mais il faut tenir compte des conditions où l’expérience est faite pour en apprécier les résultats ; la solennité de l’évocation, la grandeur du but poursuivi, le recueillement de l’assistance doivent souvent exalter pour un moment les facultés du personnage subconscient, et lui faire trouver des pensées dont il eût été incapable pendant un instant d’atonie. Ajoutons que le personnage subconscient peut avoir une étendue de mémoire et une finesse de perception inconnues du personnage normal : nous en avons vu la preuve chez les hystériques[1] ; tout ceci peut contribuer à donner

  1. Voir, notamment, p. 192.