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un médium pourrait fort bien écrire en affirmant qu’il ne sait pas ce qu’il écrit. Mais nous devons abandonner cette explication grossière ; car il y a un nombre considérable de personnes dignes de foi qui affirment avoir été les acteurs du phénomène, avoir posé la main sur des tables qui tournaient, avoir tenu des plumes qui écrivaient, sans la moindre volonté de faire mouvoir la table ou écrire la plume.

Ce sont là des preuves suffisantes, quand une doctrine comme le spiritisme aboutit à bouleverser le monde entier et fait des milliers de croyants. Ceux qui demandent des preuves matérielles pour des phénomènes qui n’en comportent pas courent le risque d’ignorer ce que tout le monde sait, et de soutenir des opinions contraires à la vérité la plus évidente.

Les premiers observateurs qui cherchèrent à se rendre un compte exact des actions spirites ont eu la préoccupation exagérée de leur trouver des analogies dans les phénomènes de la vie normale. On s’est efforcé de montrer que chacun de nous exécute des mouvements inconscients. L’exemple qu’on a cité le plus souvent est celui du pendule explorateur, que nous avons décrit tout au long. En somme, on a pensé que « le pouvoir moteur des images », pour employer le langage actuel de la psychologie, devait suffire à expliquer les phénomènes spirites. Explication franchement insuffisante, il est aisé de le montrer, et on ne doit pas s’étonner que les adeptes de la doctrine ne se soient pas laissés convaincre.

En effet, l’étude soigneuse des phénomènes indique que l’écriture automatique provient d’une pensée autre que la pensée consciente du médium. Il y a en lui, à un certain moment, deux pensées qui s’ignorent et qui ne communiquent entre elles que par les mouvements automatiques de l’écriture ; disons plus exactement : il y a deux personnalités coexistantes ; car la pensée qui dirige l’écriture automatique n’est point une pensée isolée et décousue, elle a un caractère à elle, et même elle porte un nom, le nom de l’Esprit dont on a invoqué la présence.