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— et peut-être y en a-t-il qui ont conscience de tout cela, — le phénomène serait assez simple à comprendre ; le sujet serait docile à la suggestion, sans en être la dupe, il mettrait toute sa bonne volonté à exécuter ce qu’on lui demande, il jouerait en quelque sorte la comédie pour le bon motif. Mais si on y regarde avec soin, on s’aperçoit que ce travail mental préliminaire de perception et de reconnaissance n’est point conscient ; si on demande au sujet ce qui se passe en lui quand on lui présente l’objet invisible, il ne peut donner aucun renseignement ; il ne voit rien, il ne peut pas en dire davantage. Voilà du moins ce que j’ai constaté chez un hystérique très intelligent, que j’avais averti de la suggestion que je lui avais donnée.

Résumons-nous donc en disant que l’anesthésie systématique est précédée d’un certain nombre de phénomènes psychologiques inconscients.

Continuons. L’objet invisible a été perçu et reconnu. Que se passe-t-il ensuite ? Une fois que la perception et la reconnaissance ont eu lieu, on pourrait supposer que tout cela est oublié, que le sujet redevient absolument aveugle et sourd, et que l’anesthésie est complète. Il n’en est rien ; la perception de l’objet continue, seulement elle se fait encore d’une manière inconsciente. C’est ce que vont nous montrer les expériences de M. Bernheim.

Ici se place un fait assez curieux. Il est toujours intéressant de voir des auteurs faire des expériences qui confirment des thèses qu’ils ont combattues ou qu’ils seraient disposés à combattre. On connaît la position prise dès la première heure par M. Bernheim dans les études sur l’hypnotisme. Cet auteur soutient avec une très grande force, mais sans restriction et sans nuance, la théorie de la suggestion ; pour lui, la suggestion est la clef de tous les phénomènes hypnotiques, elle explique tout et suffit à tout. Il y a dans ses ouvrages ce qu’un peintre appellerait un grand parti pris de simplification ; et je suis persuadé que ce caractère est la raison véritable du succès de ses idées. Or, nous