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sur le comment des choses, et par conséquent elle ne donne pas satisfaction complète à l’esprit.

En 1884, M. Bernheim reprit cette étude et donna aux faits précédents le nom d’hallucination négative ; il les isola bien des hallucinations positives, et montra, par plusieurs expériences, que la suggestion peut supprimer directement une perception des objets présents[1]. La description était excellente, mais ce n’était qu’une description. Peu après, parut un travail de M. Féré et de moi sur les paralysies par suggestion[2]. Dans ce travail, nous cherchions d’abord à rapprocher les anesthésies systématiques des anesthésies hystériques totales, dont les premières ne forment qu’une variété ; et nous citions à ce propos une expérience qui a été vérifiée depuis par d’autres observateurs : l’objet invisible, regardé fixement pendant quelques instants, peut produire une image de couleur complémentaire : fait-on disparaître par suggestion un petit carré rouge, le sujet qui ne le voit pas, mais qui contemple pendant quelques minutes le point de l’espace occupé par le papier rouge, verra apparaître au bout de quelque temps à la même place un carré de couleur verdâtre ; cette seconde sensation, de couleur complémentaire, se distingue d’une image consécutive ordinaire par son mode de production, car elle dure tout le temps que le sujet regarde le carré rouge invisible[3], et si le sujet fixe ensuite son regard sur un autre point, il peut voir apparaître l’image consécutive de ce carré vert. Cette expérience concorde avec celle de M. Regnard, qui a vu que dans la dyschromatopsie hystérique spontanée, les couleurs non perçues peuvent donner lieu à des images complémentaires. Donc le petit carré rouge qui est là, sous les yeux du sujet et que celui-ci prétend ne pas percevoir, a réellement impressionné sa sensibilité rétinienne.

  1. De la Suggestion, 1884, p. 27.
  2. Revue scientifique, 1884.
  3. Nous réparons ici une erreur commise dans l’interprétation du phénomène précédent que nous avions considéré jusqu’ici comme une image consécutive. (Magnétisme animal, p. 235.)