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état de désagrégation mentale. On peut donc supposer que le point de repère est perçu par une personnalité et que l’hallucination est perçue par l’autre, et que ce cas est un exemple de collaboration de deux personnalités. C’est en effet ce qui a lieu, comme M. Pierre Janet a pu s’en assurer le premier. Après avoir donné une hallucination de portrait sur un carton, il a dédoublé son sujet par le procédé de la distraction ; il s’est mis en communication avec la seconde personnalité et lui a demandé ce qu’elle voyait sur le carton ; celle-ci lui a désigné un point noir, bien réel ; c’est ce point noir qui lui permettait de ne pas confondre le carton avec d’autres ; la personnalité principale qui était seule hallucinée, voyait le carton et le portrait, mais ne voyait pas le point noir. La théorie du dédoublement mental se trouve donc au bout de toute cette série d’expériences que nous venons de résumer, et qui ont été entreprises en 1883, c’est-à-dire à une époque où les phénomènes de dédoublement n’étaient guère connus. Je vois dans ces rencontres et ces confirmations multiples la preuve que nous n’avons point été l’objet d’illusions et que nous avons pu découvrir un peu de la réalité.

Il est utile de se rendre compte qu’on a fait un pas en avant ; il est utile aussi de ne pas oublier qu’on est encore loin du but. Les expériences précédentes, en mettant en évidence le point de repère qui sert à retrouver l’hallucination, qui sert à l’extérioriser, etc., nous ont appris un fait intéressant ; mais combien d’autres demeurent inexpliqués ! Pour se rendre compte du résultat des expériences, il ne suffit point de constater que le personnage inconscient retrouve le point de repère : il faut en outre supposer qu’il le cherche, pour le retrouver quand il est peu visible ; et là ne doit pas s’arrêter son rôle. Quand l’opérateur vient à dédoubler le point de repère, par la pression oculaire ou autrement, le sujet halluciné n’a pas la perception que le point de repère est doublé ; c’est l’inconscient qui doit s’en apercevoir ; c’est donc à lui qu’il appartient de dédoubler l’image hallucinatoire ; il intervient également quand,