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demeurer un excellent critérium contre la simulation, si nous voulons nous placer à ce point de vue spécial.

En effet, le point de repère auquel le sujet suggestionné attache son hallucination présente quelques caractères particuliers et difficilement simulables. En premier lieu, il est à noter que dans les expériences de portrait que nous avons rappelées plus haut, le sujet ne peut pas indiquer comment il reconnaît le carton qui sert de support à l’image hallucinatoire ; lui demande-t-on pourquoi il désigne ce carton-ci plutôt que celui-là, il répond invariablement que c’est parce que le premier est un portrait ; mais comme le portrait est purement imaginaire, ce n’est pas là ce qui lui sert réellement d’indice, et sa réponse, quoique sincère, ne nous éclaire pas ; certainement le carton présente un point noir, une ombre, n’importe quoi ; et bien que le sujet soit incapable de nous les désigner, il doit s’en servir d’une façon ou d’une autre.

Voici du reste une expérience qui montre bien que la perception du point de repère se fait d’une manière inconsciente : prenons une photographie et fixons dessus, par suggestion, l’hallucination d’un portrait. Le sujet, à qui on présente ensuite la photographie, voit le portrait, mais ne voit point la photographie qui est dessous ; l’imaginaire cache le réel ; le sujet voit ce qui n’existe pas, il ne voit pas ce qui existe. Dans ces conditions la photographie invisible, c’est-à-dire non perçue d’une manière consciente, sert de point de repère, car si, quelque temps après, huit jours après, on vient à montrer au sujet une seconde épreuve de la même photographie, il y apercevra un second portrait imaginaire. Ces hallucinations si bien localisées renferment donc toujours une perception inconsciente qui leur sert d’attache.

L’expression de perception inconsciente que nous venons d’employer met déjà sur la voie de l’explication de ce qui précède ; nous avons vu que bien souvent chez les sujets hypnotisés ce qui paraît inconscient ne l’est pas, mais appartient à une autre conscience, et constitue l’indice d’un