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comme la plupart des sujets, elle les oubliait après les avoir accomplis, mais elle ne paraissait pas les connaître, au moment même où elle les exécutait. Je lui dis de lever les deux bras en l’air après le réveil ; à peine est-elle dans l’état normal qu’elle lève les deux bras au-dessus de sa tête, mais elle ne s’en inquiète pas ; elle va, vient, cause, tout en maintenant ses deux bras en l’air. Si on lui demande ce que font ses bras, elle s’étonne d’une pareille question et dit très sincèrement : « Elles ne font rien du tout, mes mains, elles sont comme les vôtres[1]. »

Chez d’autres sujets, le retour de l’état somnambulique se montre plus complet encore ; on a pu constater qu’il ramène l’état de la sensibilité qui le caractérise chez chaque sujet, et que celui-ci acquiert même une suggestibilité qu’il n’a pas pendant la veille (Gurney)[2]. Mieux encore, certains sujets s’endorment de nouveau pour exécuter l’acte post-hypnotique, et un auteur a pu dire, exagérant un peu un fait qui n’est vrai que de certaines personnes, que toute suggestion post-hypnotique équivaut à celle-ci : « Après votre réveil, vous vous endormirez de nouveau pour accomplir la suggestion. » Il est clair qu’un tel ordre n’a été ni donné, ni sous-entendu, et que si l’état somnambulique renaît, c’est que les conditions mentales qu’il implique sont nécessaires à l’accomplissement de la suggestion donnée.

Ainsi, chaque individu a sa manière propre de se conduire ; chez les uns, oubli après l’acte ; chez les autres, inconscience de l’acte ; chez d’autres enfin, perte absolue, totale de conscience et somnambulisme. Ceci nous montre avec combien de variantes un même acte peut s’accomplir.

Ces variantes, du reste, se ramènent à un fait unique, la division de conscience, et l’importance comparée des deux consciences en action. Les limites de ces consciences

  1. Op. cit., p. 255.
  2. S. P. R., 1887, p. 271.