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qui n’est point constant, mais très fréquent, et qu’on ne comprend guère à première vue, s’éclaire d’un jour tout nouveau si on le compare à ce qui se passe dans les suggestions données pendant un état de distraction ou même à la faveur de l’anesthésie. Rappelons brièvement les faits. Quand l’hystérique est distraite, et qu’on commande une hallucination au personnage inconscient, la conscience principale n’entend rien des mots murmurés à voix basse, mais elle perçoit l’hallucination[1]. De même, quand, sur la main insensible, on dessine une lettre avec une pointe mousse, le sujet ne sent point le contact de la pointe, mais il a la représentation, parfois même l’hallucination de la lettre écrite[2].

Dans les deux cas, même opération psychologique ; la parole prononcée, comme la sensation tactile faite sur la main ont amené des images associées, mais le premier terme de l’association est resté dans la conscience secondaire, et le second terme, l’image, a seul fait son entrée dans la conscience principale. Or, c’est bien ce qui se passe dans toutes les suggestions données pendant le somnambulisme et se continuant pendant l’état de veille : la conscience principale ne connaît que l’effet, le dernier terme de la suggestion ; c’est la conscience somnambulique qui a entendu les paroles de la suggestion ; ajoutons que la conscience somnambulique, qui joue ici le même rôle que le personnage subconscient de l’état d’anesthésie et de l’état de distraction, est identiquement le même personnage. C’est encore un point sur lequel pleine lumière a été faite[3].

Il faut donc considérer les suggestions classiques, celles qui sont données pendant un état de somnambulisme pour être exécutées ou simplement pour se continuer pendant la veille, comme des opérations psychologiques qui exigent une dualité de consciences.

  1. Voir p. 193.
  2. Voir p. 188.
  3. Voir p. 138.