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est reléguée au second plan, elle est temporairement oubliée, et une personnalité nouvelle, dirigée par l’expérimentateur, se forme et évolue, empruntant à l’ancienne, qu’elle semble ne pas connaître, quelques-uns de ses éléments, et notamment les habitudes motrices du geste et du langage sans lesquelles il lui serait impossible de s’exprimer. C’est du reste ce que M. Richet a très bien exprimé en disant : « L’objectivation des types dépend d’un trouble de la mémoire et d’un trouble de l’imagination. La mémoire de notre personnalité étant pervertie, la conscience de notre personne disparaît. L’imagination étant surexcitée, les hallucinations se produisent ; et alors le moi nouveau dépend uniquement de la nature de ces hallucinations[1]. »

Il est incontestable que cette division de conscience est un phénomène superficiel et temporaire, dans les conditions où l’expérience a été tentée jusqu’ici. L’individu n’est pas réellement scindé en deux, comme l’était par exemple Félida.

La division de conscience qui se manifeste chez les somnambules naturels a des causes internes, inhérentes à l’organisme même du sujet ; c’est un phénomène psychique traduisant un état de souffrance des centres nerveux. Il en est tout autrement chez un sujet dont on a transformé la personnalité par simple suggestion ; ici, la division résulte d’une cause externe ; elle est le produit d’une idée communiquée au sujet par une autre personne et, par conséquent, elle ne présente pas en général la même gravité.

Quelques auteurs sont même allés très loin dans cette voie ; ils ont soutenu que dans les expériences de transformation de la personnalité le sujet joue un rôle, une sorte de comédie ; il serait comparable à un acteur, qui exprime des sentiments sans les ressentir. Les auteurs qui adoptent cette interprétation, et parmi eux nous citerons M. Delbœuf[2], ne pensent point que le sujet cherche à simuler et à

  1. Même article, p. 235.
  2. Revue de l’Hypnotisme, janvier et février 1889.