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semble n’avoir rien entendu, et cause encore avec cette personne, puis elle s’interrompt et éclate de rire : « Oh ! mon Dieu, comment vous êtes-vous habillé ainsi, et dire que je ne m’en étais pas encore aperçue. » Je lui dis de même tout bas qu’elle a un bonbon dans la bouche ; elle semble bien n’avoir rien entendu, et si je l’interroge, elle ne sait ce que j’ai dit, mais la voici cependant qui fait des grimaces et qui s’écrie : « Ah ! qui est-ce qui m’a donc mis cela dans la bouche ? » Ce phénomène est fort complexe, il comprend un mélange de faits inconscients et de faits conscients reliés à un certain point de vue et cependant séparés à un autre[1]. »

L’auteur arrive, on le voit, à la même conclusion que nous. L’exemple cité est d’autant plus intéressant qu’il peut être considéré comme le type de la plupart des suggestions. Nous reviendrons plus tard sur cette question importante.

Et maintenant, si nous jetons un coup d’œil d’ensemble sur l’objet des trois chapitres précédents, nous voyons que la division de conscience, telle qu’elle existe chez l’hystérique, ne constitue pas une démarcation brusque, suspendant toute relation entre les consciences. Loin de là ; les phénomènes psychologiques de chaque groupe exercent sur le groupe voisin une influence incessante, et la division de conscience ne suspend même pas le jeu de l’association des idées ; il arrive qu’une idée associée à une autre l’éveille et la suggère, bien que les deux appartiennent à des consciences différentes. La division laisse donc subsister l’automatisme des images, des sensations et des mouvements ; elle consiste seulement dans une limitation de la conscience ; chacun des moi ne connaît que ce qui se passe dans son domaine.

Dans tout ce qui précède et dans tout ce qui va suivre, nous ne cessons pas de rester dans un sujet très limité ; nous ne cultivons qu’un petit coin du vaste domaine de la

  1. Op. cit., p. 242.